L’Allemagne et la France, le couple locomotive-tender pour demain

C’est la première fois que je lis un article où il est sous-entendu ce que j’explique depuis si longtemps, à savoir que la France a besoin de l’Allemagne forte le temps de se réindustrialiser.

Et c’est la raison pour laquelle la France assume le plus lourdement la charge que lui impose l’Allemagne pour lui permettre d’avancer.

C’est bien la France qui porte l’Allemagne à bouts de bras

en assumant vaillamment la plus grosse part de la charge de la baisse des importations allemandes et de la hausse des exportations décidée par le gouvernement Schröder en 2001. L’Allemagne avait alors réduit ses importations de 1% et la France avait assumé à elle seule quasiment 80% de cette diminution. Et l’Allemagne avait résolument pratiqué une politique agressive d’exportation et la France est alors devenue durant longtemps, jusqu’il y a peu, la première destination de sa production.

La France assume également, en tant que seconde économie de la Zone Euro, l’avantage monétaire consenti au moment de la conversion à l’euro, deux dixièmes pour faire en sorte que tous les acteurs de la Zone Euro contribuent à la coûteuse Réunification. Un avantage monétaire qui lui profite encore pour ses exportations en lui permettant de vendre au décile inférieur des produits de la catégorie supérieure avec une Réunification réussie, mais pas encore tout-à-fait terminée, au vu du décalage sur l’espérance de vie où l’alcoolisme. Des défis qui grèvent encore l’économie allemande au quotidien.

L’ex-RDA en 1970 et de nos jours, vue d’une portion restante du mur.

Un sacrifice indispensable pour la France

Mais ça permet à la France de basculer progressivement dans l’industrie du XXIème siècle afin d’être suffisamment forte le moment venu pour prendre le leadership de l’UE, qui est sa place naturelle en tant que phare des nations du développement sociétal et permettre à l’Allemagne de faire sa propre conversion, elle qui a une industrie encore très largement obsolète, avec des mines, des fonderies, des usines d’électroménager, la France de 1980. Et ce même si une bonne part de son industrie est résolument à l’avant-garde, dans la robotique ou l’automobile.

La France a besoin d’elle en tant que locomotive de l’Europe pour maintenir tout le monde à flot, à commencer donc par elle-même, le temps de finir de nettoyer le terrain et de s’engager sur la nouvelle voie, avant que ce ne soit l’inverse pour que l’Allemagne puisse enfin achever son parcours.

L’Allemagne bien plus en difficulté que ce que l’on peut penser

Aujourd’hui, l’Allemagne est perpétuellement en faillite. Elle dégage un gigantesque excédent budgétaire, mais qu’elle absorbe immédiatement pour réduire son risque systémique le plus fort de la planète. Et malgré ce gigantesque excédent budgétaire, sa santé économique est loin d’être au beau fixe, avec une croissance en dents de scie, oscillant de micro-récessions en mini-croissance. Ce n’est pas qu’elle a une belle croissance de 2% chaque année, loin s’en faut. Pour fonctionner, son économie est maintenue juste en-dessous de la surchauffe, réglée au quart de poil comme un moteur de F1 en championnat, adaptant qui la richesse, qui l’entrée d’air au gré des petits ralentissements. Ce qui fait que si elle lâche un tout petit bout de mou, elle va se planter et entraîner tout le monde avec elle.

C’est aussi la raison pour laquelle elle se comporte aussi durement avec la Grèce. Tout le monde se dit qu’avec son excédent budgétaire, issu de la captation de la croissance de ses partenaires européens, elle pourrait consentir à diminuer la dette grecque. Mais voilà, si elle devait consentir à aider la Grèce, elle ne combattrait plus son propre risque systémique qui lui est d’ampleur mondiale et dont la spirale infernale pourrait se déclencher à tout moment en raison de n’importe quelle peccadille.

Autrement dit, la Grèce est moins dommage et doit soit se débrouiller seule, soit souffrir le temps que l’Allemagne débarrasse le monde du risque qu’elle représente. Pas sûr que les grecs s’en satisfassent, mais dans l’immédiat, vu ce qu’ils vivent, je trouve qu’ils sont plutôt conciliants.

Un dernier coup de collier

Une fois que l’Allemagne sera extraite de ce risque systémique, elle pourra assouplir sa position, aussi bien sur ses partenaires que sur son propre peuple. Macron a ceci de bien qu’il est intelligent et qu’il a une vraie vision pour l’Europe qui ne pourra fonctionner qu’avec plus d’intégration, encore faudra-t-il réussir et certains ont d’autres visions reposant plus sur l’armée unique avant toute autre chose. A titre personnel, je pense que l’un ne va pas sans l’autre et que l’un sera la conséquence de l’autre. Une intégration implique une intrication et chaque composant intégré influe sur tous les autres.

L’Allemagne souffre, malgré tout, plus que la France et, quoi qu’en disent les oiseaux de mauvais augure, les cassandre eurosceptiques, le couple franco-allemand est loin d’être mort et notre sort est commun, nous sommes liés l’un à l’autre et avec la globalisation des échanges, désormais avec tous les autres pays non seulement européens, mais au-delà.

En cette époque charnière de basculement d’un monde vers un autre, si l’un de nous fléchit, tout le monde tombe.

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