Obsolescence….programmée? Vraiment?

L’Institut économique Molinari pond une nouvelle étude sur l’obsolescence programmée, qui ne dit rien de plus que ce que j’explique depuis des années à tours de bras. 

Non, l’obsolescence programmée n’existe pas, c’est une croyance. Bien avant les fabricants, ce sont les acheteurs qui sont responsables de la durée de leurs équipements.


Le choix délibéré du merdicimal

Le nombre de fois où on m’a servi l’argument : « pourquoi la machine à laver de ma grand-mère a 30 ans alors que moi j’en suis à ma troisième en 15 ans »? …Et moi de rétorquer : « ben parce que la machine à laver de ta grand-mère a coûté deux ou trois semaines de salaire et les tiennes deux ou trois jours. Achète un lave-linge qui coûte deux semaines de salaire et revient en parler dans 30 ans »!

Et c’est comme ça pour tout, la fameuse imprimante d’ordinateur foutue à 4000 copies…oui, mais elle vaut 59€… moi j’en ai une qui ne vaut pas beaucoup plus cher : 389€ à l’achat en 2010, format A3, recto-verso automatique en A4, avec chargeur dans le couvercle. J’ai acheté pour 120€ de cartouches génériques. Aujourd’hui, j’en suis à plus de 15’000 pages d’après le compteur…et je n’ai même pas encore terminé mes cartouches génériques. C’est tellement économique que si j’ai 400 pages à tirer, je ne vais pas faire imprimer pour si peu, ça me prendra toute la nuit et voilà tout. 

La nécessité écologique d’évoluer

Et après il y a la question de l’amélioration de la performance. Ma grand-tante avait acheté un congélateur 500 litres pour y mettre le cochon, vers 70. Il avait coûté si cher, qu’elle l’avait payé avec un crédit sur 48 mois. On l’a jeté presque 30 ans plus tard, à la fin des années 90 et il marchait nickel. Mais quand mon cousin m’a demandé ce qu’on allait en faire, j’ai regardé la plaquette constructeur et j’ai comparé avec son équivalent moderne et il consommait tout bonnement 6x plus qu’un contemporain (d’avant 2000). Chaque année il consommait en courant de quoi en acheter un équivalent neuf. Et ça, sans compter les éventuelles baisses de performances dues à l’âge, juste avec la plaquette constructeur selon ses normes de mesure qui n’étaient peut-être déjà pas tout-à-fait parfaites à l’époque. 

Elle avait déjà fait le coup avec une grosse machine à laver Miele de 7kg, ce qui était rare au moment de l’achat. Une machine qui pesait au moins 200kg. Elle nécessitait d’être installée sur un socle en béton pour y être boulonnée, d’autant que n’ayant pas de pompe de vidange, celle-ci se faisait par gravitation et devait donc donner directement dans l’évacuation. Elle a conservé cette machine 25 ans, avant que, finalement, en raison de travaux réalisés dans la maison, elle a dû accepter l’idée de s’en séparer et je l’ai remplacée par une Bauknecht. Au dos de son tableau de programmation, il y avait les diverses interventions du réparateur au cours de sa vie. Elle avait 25 ans et fonctionnait comme une neuve, mais elle avait coûté cher…

Des appareils solides, mais qui coûtaient cher à l’achat et à l’entretien

Voilà une chose qu’on omet ou que l’on refuse d’admettre, oui, la machine à laver de mamie durait 30 ans, mais outre le fait qu’elle consommait 150 litres d’eau et 5kW d’électricité pour faire une cuisson, nécessaire parce qu’en-dessous de 60° elle ne lavait pas, elle nécessitait des réparations au cours de sa vie et pas toujours des moindres. 

Il y a encore 30 ans les annuaires étaient pleins de dépanneurs, radio-tv ou électroménager, éventuellement les deux. Un téléviseur durait 25 ans, mais en faisant abstraction de l’image horrible qu’il donnait et dieu sait si j’ai eu vu des choses invraisemblables, avec des tubes cathodiques tout simplement morts, au long de leur histoire ils avaient coûté une petite fortune, certaines réparations ayant coûté le prix d’un téléviseur neuf et j’exagère à peine. J’ai eu moi-même facturé 400 francs (suisses) de réparation pour remettre en route un vieux Grundig ou un Philips KMIV alors qu’un ITT ou un Sanyo neufs valaient 100 francs de plus. 

…Et c’était pareil pour les machines à laver. Celle de ma tante avait eu le programmateur remplacé au cours de son histoire : 500 francs (suisses). Le prix d’une petite machine à laver neuve…mais elle avait eu 5 ou 6 autres pannes dont la moins chère avait coûté 80 francs. 

Le choix des consommateurs a fait l’obsolescence

Pour le consommateur, plusieurs points entrent en ligne de compte, le prix en premier évidemment. Soit vous achetez un truc une fortune, mais si cher que vous le paierez à crédit et outre l’endettement vous allez le payer plus cher à cause des intérêts, soit vous achetez selon vos moyens. 

Mais aussi l’obsolescence de l’appareil. Le consommateur moyen a conscience que s’il achète un téléviseur de marque à 2000€, qu’il lui arrive une panne après 3 ans, même si elle coûte 400€, il va les mettre, c’est pas de chance, mais il va les mettre. Et ce alors même qu’en 3 ans la technologie a déjà évolué et que son téléviseur est obsolète. 

Comme il n’est pas certain du tout qu’en mettant une forte somme l’appareil durera 20 ans, qu’il ne l’est pas moins qu’en achetant moins cher l’appareil ne durera que 5 ans et qu’en plus l’un comme l’autre seront obsolètes bien avant d’être en panne, le choix s’impose de lui-même. 

Une différence de qualité écologique

Un point qui n’est pas omis, mais ignoré. il faut commencer par savoir que les plastiques, composant l’essentiel de nos équipements, ne sont pas recyc lables à l’infini. A chaque fois que l’on recycle du plastique, il s’éloigne de ses qualités d’origine. C’est la différence entre un plastique « noble », de qualité, qui a servi à fabriquer les corbeilles à linge de nos grand-mères et qui existent encore aujourd’hui mais coûtaient une fortune et le plastique bas-de-gamme qui sert à fabriquer nos corbeilles à linge actuelles qui ne vivent au mieux que quelques mois mais coûtent seulement trois fois rien.

Ainsi, plus un plastique contient de plastique recyclé, plus il est de mauvaise qualité…mais plus il est bon marché! Quand on a compris ça, on comprend que si on achète un frigo Liebherr à 1500€, la marque ne peut pas utiliser du plastique bas-de-gamme pour sa construction. Ils vont utiliser du matériau noble, qui a un prix, qui se répercute également sur le prix final, au même titre que la fabrication que nous verrons plus bas.

En revanche, si on achète un frigo de même taille, même volume et design en plus, pour 300€, le fabricant ne va pas pouvoir utiliser des matériaux nobles. La première cause d’économie pour que la fabrication reste rentable est sur les prix des matériaux. Et cette condition se trouve partout : le moteur du Liebherr et celui du frigo à 300€ sont les mêmes, mais Liebherr achète le sien le double, parce que le fabricant produit deux qualités distinctes pour le même produit avec deux destinations différentes.

Mais où les athéniens s’atteignirent, c’est que le frigo Liebherr devra bien être recyclé un jour. Comme le fabricant a besoin de matériaux nobles pour le fabriquer, il ne peut donc pas recycler ses appareils haut-de-gamme qui devront bien être recyclés dans des appareils bas-de-gamme.

De sorte qu’en achetant des appareils bas-de-gamme, on absorbe la montagne de déchets recyclés des appareils haut-de-gamme. Si on achetait tous du haut-de-gamme, on ne pourrait tout simplement pas recycler.

Des fabrications différentes en conséquence de la gamme

Presque une lapalissade mais, curieusement, lorsqu’on parle d’obsolescence programmée, cette notion disparaît : si on achète de la merde, c’est de la merde!

Déjà, dans tous ces équipements les composants ne sont pas les mêmes en descendant en gamme. Les composants électroniques tout d’abord, plus on descend en gamme et plus leurs spécifications sont proches de leur utilisation, alors que plus on monte en gamme et plus elles offrent une marge de sécurité, des condensateurs plus gros, des semi-conducteurs plus puissants, mais aussi plus lourds, donc plus chers à l’achat, mais aussi au transport. Si dans une palette de 500 kilos vous avez 100’000 condensateurs ou 70’000 condensateurs, le prix du transport par condensateur n’est évidemment pas le même. Dans les deux cas vous avez payé le transport d’une palette…mais vous pouvez fabriquer 100’000 appareils dans un cas et seulement 70’000 dans l’autre, ce qui fait une différence de 30%. 

De fait, pour qu’un appareil soit moins cher, il doit contenir le moins de pièces possibles, parce que la logistique coûte aussi cher que les pièces elles-mêmes. Alors que plus on monte en gamme, plus le fabricant peut se lâcher. Si on est prêt à mettre 200’000€ pour un frigo, on peut s’attendre à avoir un appareil avec des composants et des matières d’une telle qualité que nos arrières petits-enfants en hériteraient. C’est le cas par exemple pour les équipements militaires, comme un ordinateur renforcé. Le machin fonctionne avec un processeur archaïque, il n’a que 4G de RAM, un disque dur de 320Go, des fonctionnalités d’un autre temps, difficile d’envisager de faire autre chose qu’un usage militaire, jouer au Solitaire à la rigueur, mais pas trop vite. Mais il ne tombera jamais en panne et on peut lui rouler dessus avec un camion…et il coûte au bas mot 3000€. 

Plus l’appareil est haut en gamme, plus le cahier des charges offre des possibilités de financer la production et donc la capacité de faire mieux.

Exemples de différences physiques

Vous prenez un frigo haut-de-gamme, notre fameux Liebherr à 1000€ ou même 1500€. Vous avez une porte avec un revêtement intérieur en tôle thermolaquée. Il faut comprendre que la tôle est un composant, chacune des étapes du thermolaquage en est un autre. Sur cette simple tôle nous avons :

  • La tôle;
  • Le traitement de la tôle (anti-rouille et adhérence, décapage);
  • Le primaire;
  • La couche de peinture.

Et le processus de fabrication : 

  • Etampage de la tôle;
  • Post-formage (par pressage) de la tôle;
  • Thermolaquage.

La porte est montée sur des charnières, vous avez une patte en acier, vissée sur le châssis, dans laquelle vient se ficher un petit bitognot en acier vissé sur la structure de la porte qui servira de pivot. 

Maintenant un frigo à 300 balles, là, vous avez une porte dont le revêtement intérieur est réalisé en plastique dont les étapes de préparation sont les suivantes : 

  • Injection du plastique;
  • Démoulage.

Il n’y a pas  de peinture, c’est teinté dans la masse…

Et la porte n’est pas montée sur le même type de charnières. Là, les pivots sont en plastique, moulés directement dans la frise et la sole de la porte et viennent se ficher dans un trou ménagé dans le bandeau en plastique du couvercle du frigo en haut et dans une petite protubérance percée sur la grille de ventilation du socle de l’appareil. Pas de bitognot en acier vissé, pas de patte vissée sur le châssis, juste des trous réalisés dans le moulage du plastique, c’est tout. 

…Et si la porte du frigo tombe après 5 ans et que dès la première semaine vous avez cassé le bac à oeufs en plastique, c’est de l’obsolescence programmée? Sans blague, achetez le Liebherr à charnières acier et bac à oeufs en matière noble et on en reparle. 

Voilà des caractéristiques physiques que n’importe quel pékin peut voir, d’autres sont plus succintes, dans un téléviseur, par exemple. Dans un modèle haut-de-gamme, outre le fait qu’il est plus lourd en raison des composants de meilleure qualité, il est aussi plus élaboré. Les flux laminaires de refroidissement sont étudiés et l’objet fait le design dans une large mesure. On dessine l’appareil de manière à le rendre aussi beau que possible mais en répondant aux spécifications du cahier des charges sur le refroidissement. 

L’appareil bon marché, c’est différent, c’est le design qui fait l’objet. On prend une platine (une carte-mère, quoi), on la met dans un boîtier suffisamment joli pour qu’on l’achète dans lequel sont ménagés des trous. L’air circule aussi, mais l’efficience du refroidissement n’est pas la même. 

Forcément, entre un refroidissement efficace sur des composants haut-de-gamme et un refroidissement inefficace sur des composants calculés si serrés qu’ils sont en permanence au point de rupture, pas besoin d’être Grand Clerc pour saisir la différence.

L’imprimante d’ordinateur, la fameuse imprimante, avec ses 4000 pages et son petit tapon de mousse pour essuyer l’excédent d’encre et les cartouches à moitié vidées

Accusés par un labo de ne  pas consommer les cartouches d’encre complètement, les fabricants rétorquent que c’est en raison de contraintes de fabrication…et ils ont raison! Je parle de mon imprimante, en début d’article, c’est une grosse imprimante, avec des tas de fonctions qui valait 389€. Il y a de la place et il y a de l’argent pour fabriquer. J’y mets des cartouches génériques à 2€/pièce qu’elle accepte parfaitement et elle les économise à mort, et vides, elles sont littéralement séchées, j’imprime sur les vapeurs d’encre. Quand la machine me dit qu’il faut changer la cartouche, je peux imprimer encore au moins 20 pages.

Mais c’est une GROSSE imprimante, il y a de la place, de l’argent  pour la fabriquer, le fabricant n’a pas besoin de faire de bénéfice à postériori pour que son modèle économique soit plausible. La petite éponge à excédent se trouve dans le couvercle. Les cartouches d’encre sont placées bas, dans un équipement conçu pour elles, qui pompe l’encre vers les têtes, avec une petite pompe, un équipement interne supplémentaire.

Dans le cas de l’imprimante à 59€, outre le fait qu’il n’est pas possible de fabriquer un appareil aussi complexe et qu’il faudra bien que le fabricant récupère un peu d’argent sur les futures cartouches, ce qui le contraint à tout faire pour gêner l’usage de génériques, elle est toute petite et il faut économiser les composants. Les cartouches sont montées directement au-dessus des têtes. L’encre n’est pas pompée dans les têtes, elle y arrive par gravité. Et l’éponge pour les essuyer se trouve, fort logiquement, en-dessous des têtes, inaccessible sans un profond démontage.

Sérieusement, on ne peut pas réaliser une imprimante qui fait 40cm de large, 25cm de haut et 30cm de profond et disposer de manière idéale les équipements à l’intérieur. Quand ma femme a vu l’imprimante que j’avais achetée, je peux vous garantir que ce n’est pas le choix qu’elle aurait fait : 65cm de large, 50 cm de profond, 40 centimètres de haut, pour elle, c’est déjà un meuble de bureau.

Et si l’imprimante doit arriver sur le marché, en magasin, après avoir payé le transport depuis dieu sait quel pays, la marge du magasin, les salaires de ceux qui l’ont produite, même s’ils sont payés au lance-pierre, il faut bien glaner par-ci par-là. Alors, plastique recyclé, pas de pompe à encre, des têtes d’impression qui font 15 cm de haut au lieu de 2cm et donc une éponge qui est 13cm plus bas… et des cartouches à 17€/pièce pour que le fabricant gagne quand même quelque chose sur la fabrication.

…Et s’il ne faisait pas comme ça, vous ne pourriez pas acheter d’imprimante à 59€ et là le fabricant serait un voleur parce que son imprimante premier prix serait à 150€, c’est vous qui ne seriez pas contents!

Des usages différents

Un autre point est crucial, qui relève de l’usage des appareils et là plusieurs paramètres entrent en considération.

  • Alors qu’à l’époque chaque appareil n’avait qu’un seul et unique usage, ils sont désormais tous combinés. Un grille-pain contient une radio pour écouter les infos en déjeunant, une cafetière a une minuterie pour lancer le café à heure pré-déterminée, un smartphone sert de montre, de machine à calculer, de navigateur web, d’agenda, de niveau, de boussole, de lecteur de code-barre, etc…etc..etc..
  • Alors qu’à l’époque on faisait sa lessive une fois par semaine, voir plus rarement, aujourd’hui on change de vêtements tous les jours, volontiers plusieurs fois par jour et on lave quasi quotidiennement, la machine à laver tourne pratiquement en permanence.
  • Il en va de même pour la télé, alors qu’à l’époque on allumait la télé le soir, à l’ouverture des programmes pour le film, aujourd’hui les chaînes diffusent 24/24 et la télé et allumée en continu.
  • Alors qu’à l’époque seuls ceux qui avaient un usage authentique d’un appareil en possédait un, aujourd’hui tout le monde est équipé de tout, ce qui augmente considérablement la masse d’objets échus, augmentant le sentiment d’obsolescence, même si la proportion de pannes est toujours la même.

A partir de là, il devient quand même difficile, sinon spécieux, d’affirmer qu’une imprimante qui imprime 4000 pages et tombe en panne en raison d’une prétendue obsolescence programméé alors qu’à l’époque l’imprimante n’existait pas ou alors était à aiguilles ou même à boule, comme une machine à écrire.

Un contexte social défavorable à l’entretien

L’obsolescence programmée a ceci de particulier -et nous trouverons peut-être là l’argument ultime pour démontrer qu’elle n’existe pas- qu’elle est l’apanage des économies avancées. Il n’en est pas question dans les économies émergentes.

En Inde ou au Niger, on répare tout, un haut-parleur défectueux, même un petit, sans valeur chez nous, d’un poste de radio à piles, ou un klaxon standard de voiture aussi bien qu’un moteur électrique de lave-glace. Outre un rémouleur de klaxons ou de haut-parleurs on pourra même trouver un rémouleur de tongs à deux balles, dans les pays les plus pauvres, où deux balles peuvent représenter deux jours de travail pénible de 15 heures.

…Des rémouleurs de tongs… 

En Occident, on ne trouve tout simplement plus les pièces pour réparer, tout d’abord parce que les normes environnementales sont si sévères qu’il est désormais hors de question d’avoir des décharges gigantesques où on trouve tout et n’importe quoi, mais également en raison du coût de la vie. De stocker des pièces insignifiantes, comme une rondelle, une clavette, un rivet, un joint, des pièces qui représentent une infinitésimale fraction du salaire horaire d’un ouvrier qui les utiliserait revient beaucoup trop cher. Un simple devis peut déjà coûter des dizaines d’euros/dollars/francs suisses.

A contrario, au Niger, on trouvera chaque pièce d’un maître-cylindre de frein d’une Peugeot 403. Pas la peine d’acheter le kit, vous trouverez seulement le ressort, seulement le joint, seulement la coupelle, seulement la clavette.  Alors que chez nous si un roulement de tambour de machine à laver est mort on changera tout le roulement, voir tout le tambour, au Niger on changera les billes du roulement. C’est tout juste si on ne va pas usiner les billes d’un roulement plus gros pour les amener au diamètre.

Du coup, chez nous l’obsolescence dite programmée bat son plein, alors qu’ailleurs elle n’est qu’une vue de l’esprit, puisque tout se répare.

Des contraintes technologiques

Un point est également crucial dans le cahier des charges, qui concerne la vie de l’appareil. L’appareil doit être capable de supporter le transport, le stockage, être facile à installer et d’un usage aussi pratique et confortable que possible tout au long de sa vie. S’il doit être réparé, ça doit être aussi simple que possible, quittes à créer des outils spéciaux qui permettront non seulement de gagner du temps, mais également de créer un marché complémentaire tout en se préservant des bricoleurs qui pourraient être tentés par un bidouillage malencontreux.

Mais, surtout, la fin de vie de l’appareil doit être prévue. Hors de question de le concevoir pour qu’il dure aussi longtemps que possible s’il y a des conséquences écologiques ou sécuritaires. Un vieil appareil, couvert de poussière, où les câbles auront séché avec le temps, est susceptible de prendre feu par exemple. Le cahier des charges inclut donc une fin de vie aussi organisée que possible pour être aussi écologique et sécuritaire que possible.

Il ne s’agit pas d’obsolescence programmée, l’appareil est en fin de vie, ses matériaux sont fatigués, ses fonctionnalités sont moins performantes, il s’agit qu’il s’éteigne de manière responsable, c’est tout.

Le greenwashing fait vendre

Dernièrement, sur We Demain ils ont parlé d’un lave-linge, inventé par un designer français conçu pour durer 50 ans. Modulaire, en cas de problème on remplace seulement le module. Les gens en étaient fous et j’ai tenté de faire comprendre à quel point le concept en lui-même était absurde et ne relevait que du greenwashing. Le designer proposait un lave-linge conçu pour durer 50 ans (à condition que l’entreprise qui le produirait existât encore d’ici-là)…alors qu’aujourd’hui existe déjà un concept de machine à laver sans eau et un autre de vêtements qui ne se lavent pas. Le pigeon qui achèterait cette arnaque en réalité se retrouverait dix ans plus tard avec un vieux machin complètement obsolète mais en parfait état de marche. 

On nous a déjà fait le coup avec « l’ampoule LED éternelle », dite « sans obsolescence programmée. Le gars nous promet une ampoule qui pourra durer au moins 70 ans. Rendez-vous compte de l’absurdité de la proposition…

Déjà, dans 10 ans les ampoules auront quasiment disparu, l’OLED arrive sur le marché, au lieu de « lampes » au sens où nous l’entendons, avec une ampoule pour éclairer, c’est la « lampe » elle-même qui éclaire. Ca peut être une plaque au plafond ou contre un mur, ou un objet post-formé, il n’y a pas de limite de forme, c’est de la matière qui s’allume, point. Rien que sur ce point, le concept même de produire une ampoule pour des décennies est absurde.

Mais, ensuite, avez-vous déjà vu une ampoule de 20 ans, dans quel état elle est? On la jette tellement elle est sale…elle fonctionne encore, mais c’est plus la peine, la couche de crasse est trop épaisse pour être bien nettoyée et encore, on parle d’une ampoule normale, là il y a un circuit électronique, hors de question de mouiller l’ampoule.

Mais, au-delà de ça, votre père vous lègue l’ampoule de votre grand-père, très bien, vous êtes sûr que 40 ans, 60 ans plus tard, il existe encore une usine qui fabrique ça? Alors que la technologie aura tellement évolué que même l’OLED n’aura plus court et on sera passé à une autre technologie d’éclairage?

L’argument absolu : l’ampoule des pompiers de Livermore!

On nous ressert à chaque occasion l’histoire de cette ampoule qui serait LA preuve que l’obsolescence programmée est une arnaque et qu’on pourrait fabriquer des ampoules qui dureraient bien plus longtemps que les 1000 heures décidées par le consortium des fabricants d’ampoules au début du XXème siècle.

Voici ce qu’on trouve sur Wikipedia (je vous laisse vous informer ailleurs si vous trouvez que ce n’est pas un bon lien) :

La durée de vie de cette ampoule s’expliquerait par l’augmentation de la valeur de la résistance de son filament (en carbone) avec le temps. Ce qui fait que, d’une valeur nominale de 60 W en début de vie, sa puissance consommée n’est plus que de 4 W (7 % de la valeur du début) et sa luminosité ne correspond plus qu’à 0,3 % de la valeur d’origine7. Son rendement a donc été réduit par 24, ce qui revient à dire que le prix en électricité de la lumière produite est 24 fois plus élevé que la normale

Comprenez bien ce qui est écrit : cette ampoule ne brille pas, elle n’est pas « allumée », elle n’éclaire rien, elle ne fait même pas d’ombre. On a juste un filament jaunit par le passage du courant, c’est tout. Et les derniers qui l’ont vue briller n’ont plus mal aux dents depuis des décennies.

…Sans compter que j’avais lu un article d’un pompier de Livermore à la retraite qui soutenait qu’il existait un carton d’ampoules de rechange qu’ils auraient trouvé dans la réserve. Et pour que l’on parle d’eux, ils auraient monté cette histoire. L’ampoule aurait été montée sur un culot dédié, connecté à une source d’électricité diminuée pour ne pas les abîmer et ils la changeraient lorsqu’elle lâche, ce qui expliquerait pourquoi sur certaines photos elle semble plus illluminée que sur d’autres : tout simplement parce que ce n’est pas la même!

Je ne sais pas si cette histoire est vraie, peut-être le gars a-t-il des comptes à régler, mais il n’en reste pas moins que comme argument contre l’obsolescence programmée on trouvera certainement moins pire!

Ce qui est vrai

En 1924, le Cartel Phoebus, un syndicat de fabricants d’ampoules, décrète que la durée de vie d’une ampoule ne doit pas excéder 1000 heures. Et ce alors que certains fabricants produisaient des ampoules durant 8000 heures, faisant aujourd’hui les gorges chaudes des anticapitalistes primaires, pointant du doigt ces gens qui voulaient faire plus de fric en vendant plus d’ampoules, ce qui est absurde.

Dans les années 30 la crise bat son plein. Pour la combattre et relancer la création de richesse nécessaire au développement sociétal, il faut que tout le monde ait du travail. Pour que tout le monde ait du travail, il faut que tout le monde produise et recoive un bon salaire pour pouvoir acheter ce qu’il a contribué à produire. Pour qu’il achète, il faut que la durée de vie de l’objet soit courte.

C’est simple à comprendre : si la durée de vie d’un objet est longue, l’ouvrier n’a plus besoin de produire, puisque le produit fonctionne encore, donc l’usine n’a pas besoin d’ouvrier, donc tout le monde n’a pas de travail.

En 1932 Bernard London propose même de rendre l’obsolescence programmée obligatoire, qu’il soit tout simplement interdit de fabriquer avec une plus longue durée de vie que ce qu’implique la nécessité économique. Personne n’osera aller jusque-là, heureusement, mais les fabricants prendront alors conscience de la nécessité de la consommation et se mettra en place un environnement favorable à la consommation par divers moyens, dont l’invention de la mode. Désormais, un objet s’use en le regardant. On ne le change plus parce qu’il est fichu, mais parce qu’il est esthétiquement obsolète. La couleur du grille-pain n’est plus synchro avec la couleur de la nouvelle voiture? On change de grille-pain. Eh puis on change régulièrement de décor le logement. On change tout, pour que tout soit parfaitement assorti : le salon, qui n’a que 5 ans et est en parfait état, mais aussi la couleur des murs, les tapis, etc… on change d’environnement.

Non seulement ça donne du travail, mais ça crée un nouveau marché, celui de l’occasion. Jusque-là, les pauvres n’avaient pas les moyens d’acheter les appareils neufs, alors, avec ce concept, on peut s’équiper à moindre coût et ainsi les pauvres voient leur qualité de vie augmenter grâce aux plus riches qui ne veulent plus de leurs biens et contribuent quand même à la société de consommation.

Mais dans tout ceci, il n’y a toujours aucune notion d’obsolescence programmée. Dans Wikipédia, sur la page de l’obsolescence programmée, on trouve ceci :

Philippe Frémeaux, d’Alternatives économiques, met comme Daniel Schneidermann en garde contre toute schématisation : l’optimisation des processus de production a bien poussé ces temps derniers à limiter la consommation de matières premières et d’énergie (pas toujours en revanche leurs déchets polluants). Nombre d’automobiles actuelles sont par ailleurs plus fiables et durables que des modèles antérieurs. La durée de vie d’un bien est enfin liée aussi à son coût : si les camions durent plus que les voitures, leur coût est aussi « proportionnellement » plus élevé. Pour cet auteur, « certes, tout ne fonctionne pas toujours comme cela devrait, mais l’idée même d’obsolescence programmée apparaît comme une insulte au travail de quantité d’ingénieurs, techniciens et ouvriers s’efforçant chaque jour d’atteindre le zéro défaut, la qualité totale, tout en offrant le meilleur rapport qualité-prix »

Précisément ce que nous avons vu plus haut : l’obsolescence programmée n’est qu’une idée, une vision absurde d’une certaine fraction d’écolos et d’anticapitalistes primaires.

En réalité, pour un capitaliste fabricant, il est bien évidemment beaucoup plus intéressant de fabriquer moins, mais plus cher. Fabriquer moins, c’est moins d’ouvriers, moins de problèmes sociaux, des infrastructures plus petites, moins de transports…mais avec le même bénéfice, grâce au prix plus élevé en conséquence de la qualité.

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