
Ca n’arrête pas, depuis tant d’années circule toujours, reprise en boucle sur les réseaux sociaux, cette rumeur que les islandais seraient le modèle à suivre parce qu’ils auraient, soi-disant, laissé tomber leurs banques, préférant s’occuper du peuple et mettent leurs banquiers en prison.
La réalité est pour le moins un peu différente…
L’Islande met bien des banquiers en prison, mais…
Ce qui est dit dans cet article est faux ou, tout au moins, relève de l’interprétation orientée populiste ! Enfin, si, il y a bel et bien des financiers qui ont magouillé en prison, mais le reste, c’est faux! Même ce chiffre de 26, je ne sais pas où ils l’ont trouvé. On m’aurait dit 5 ou 7…
La vraie origine du problème du crédit, ce sont les islandais eux-mêmes
Tout d’abord, ce sont les islandais eux-mêmes qui se sont montrés avides de crédit. En 1995 l’Islande avait le plus fort taux de Range Rover par habitant et le plus fort taux de propriétaires dans du neuf. Pour un peuple de bergers musiciens, c’est quand même assez sympa. Ils émettaient des obligations sur les marchés en faisant miroiter des projets sur leur sources géothermiques et diverses choses du genre. On parlait alors de « miracle économique ». On a pu voir que les miracles, ça n’existe pas. En réalité, ils pouvaient emprunter grâce aux magouilles de leurs banquiers qui faisaient artificiellement gonfler la richesse islandaise.
Non, les islandais n’ont pas « laissé tomber leurs banques »
Ensuite, ils n’ont pas laissé tomber leurs banques. ils ont tout fait pour les sauver, mais quand ils se sont aperçus que la somme nécessaire représentait 10x le PIB (chaque islandais avait une dette de 250’000$)…ils ont bien dû faire faillite.
Donc ils n’ont pas « laissé tomber les banques », ils n’ont tout simplement pas eu le choix, ils ont fait faillite.
Non, ils n’ont pas été « courageux » parce qu’ils n’étaient pas dans l’UE
Enfin, pour redresser la tête, ils n’ont pas instauré d’austérité, c’est vrai, mais pour rembourser leur dette, négociée avec le FMI à hauteur de 2 milliards, ce qui fait que bon nombre d’épargnants européens ont perdu des plumes dans l’histoire, parfois des dizaines de milliers d’euros, ils ont simplement explosé leurs quotas pêchiers.
Ils ont formé une Assemblée Constituante, qui n’a aboutit pour ainsi dire à rien, au point qu’ils ont toujours le même président qu’à l’époque. Mais au cours de cette Assemblée Constituante, une loi a émergé qui a décrété que la ressource naturelle était un bien commun. Ensuite de quoi la population a pu voter sur la hausse des quotas pêchiers. Ils ont alors fait passer leurs quotas de maquereaux de 22’000T à 144’000T (revenue aujourd’hui à 33’000T à ce que j’ai lu dernièrement). Au point qu’ils ont dû renoncer à leur procédure d’adhésion à l’UE, parce que de tels quotas sont bien évidemment non conformes au droit international sur la pêche.
Ainsi, ils n’ont pas eu besoin d’austérité, c’est la ressource halieutique qui a fait les frais de leur incurie.
Gentils et sympas, mais pas moins profiteurs que les autres
Les islandais sont un peuple très sympathique, avec un mode de vie particulier, qui leur donne quelque chose de magnétique. Des jolies filles, écolos, de la musique, des animaux, de l’espace, des farfadets qui empêchent la construction des autoroutes… mais, même naïvement, il n’en reste pas moins que ces gens ont agi en profiteurs dans les années 90, en s’octroyant un niveau de vie bien au-delà de leurs moyens…puis ils ont agi en profiteurs en surexploitant leur ressource naturelle plutôt que d’avoir à supporter eux-mêmes les conséquences de leurs agissements.
Et sans vergogne, puisque non contents d’être parvenus à rembourser leur mirobolante dette en moins de dix ans, l’habitude étant vite prise, ils ont décidé de désendetter leurs ménages jusqu’à un niveau supportable. Autrement dit, ils distribuent désormais le fruit de leurs mirifiques quotas pêchiers directement aux ménages surendettés.
Ca, c’est la réalité et sans faux-col et on peut demander s’ils remettront les quotas à leur niveau normal une fois le désendettement accompli où si les bonnes habitudes seront bel et bien implantées ?
Des conséquences douloureuses
Le fait est que suite à leur faillite, l’Islande est devenu le pays le plus équitable de l’OCDE, tout simplement parce qu’avec une chute mirobolante du pouvoir d’achat de 2.6% (pour vous donner une idée de ce que ça représente, les français ont hurlé à la mort en 2012 alors que leur pouvoir d’achat n’avait reculé que de 0.5%) les revenus des actifs ont rejoint ceux des retraités.
La souffrance du peuple n’était donc pas imaginaire et c’est ce qui les a poussés à politiser l’affaire et interner ceux qui ont magouillé et qu’ils ont pointés comme responsables de leur débâcle, qui ne se serait pas produite s’ils n’avaient pas artificiellement augmenté continuellement leur capacité de crédit.
Noter dans l’article :
il ne faut pas trop exagérer les résultats de cette traque judiciaire: la justice n’a pas poursuivi les « responsables de la crise », mais les responsables de délits avérés
Mais bon, nous aussi nous avons un certain nombre de banquiers en prison, la très symbolique Affaire Kerviel est là pour nous le rappeler. Nous en avons bien d’autres, mais nous ne « bénéficions » pas, comme l’Islande, d’une attention toute particulière qui mettrait toutes ces affaires en exergue comme c’est le cas ici. Si la rumeur ne s’en préoccupait pas, ces coupables de malversations financières islandais, qui ne sont que de vulgaires criminels de droit commun, n’apparaîtraient pas comme la flamme des Jeux Olympiques. De condamner un criminel est une chose normale et si en Islande il y en a peut-être plus en proportion que chez nous, c’est certainement aussi parce que leur faillite à mis en évidence les conséquences de leurs comportements délictueux.
…Peut-être bien que si nous faisions faillite, nous aussi…mais c’est une autre histoire, plus grave…