L’erreur de monter les prix agricoles pour préserver un modèle obsolète et destructeur de l’Homme, de l’animal et de l’environnement

On a souvent coutume de dire que l’agriculture n’est plus rentable en ce XXIème siècle. C’est ce dont témoignent les agriculteurs en colère qui défilent avec leurs tracteurs à 150 000 Euros pièce. Plusieurs centaines vont hélas jusqu’au suicide chaque année, alors qu’il serait possible de l’éviter, de faire autrement. 

 Pour calmer les esprits, les supermarchés prévoient d’augmenter leurs prix pour venir en aide à ces paysans surchargés et aux conditions de vie difficiles. Le problème, c’est que cette augmentation des prix ne tient pas compte de la qualité de ce qui est produit. Ce alors que la plupart des produits que l’on trouve en supermarché sont de qualité discutable (variétés industrielles sans goût conçues pour résister au transport qu’être consommées, pesticides, mauvaise maturation, etc.). Ces produits bas de gamme sont les matières premières (lait, viande, légumes, etc.) cultivées par ces mêmes paysans qui ne s’en sortent pas en raison de prix d’achat bien trop bas. Or si ces prix sont bas, c’est justement parce que ces mêmes matières premières pour nos aliments sont d’une qualité qui ne correspond plus à ce que le marché attend, ce que les consommateurs réclament et dénoncent à longueur d’année. Des matières premières cultivées à l’aide d’engins agricoles qui consomment des masses de carburant, quantité de pesticides et d’antibiotiques utilisés pour doper la production et que tout le monde honnis et ce en raison de méthodes de production industrielle obsolètes visant à concurrencer absurdement des productions de pays où les infrastructures et les salaires sont bien plus bas. Le problème avec ces prix planchers que veulent mettre en place les enseignes de grande distribution, c’est que cela ne fera donc que perdurer cette production de mauvaise qualité qui envahit nos rayons. Rien que pour le lait, on en a tellement qu’on en est carrément à trouver comment le liquider à tout prix, par des recettes plus ou moins merdicimales qui remplissent des linéaires de dizaines de mètres ou en recyclant « le surplus » pour en faire du textile, c’est hallucinant…

Le problème que connaissent la plupart des agriculteurs ne proviennent pas de l’agriculture qui serait soit disant moins rentable, ni des grandes surfaces qu’on accuse de vouloir faire plus marge alors qu’elles ne margent sur le frais que pour baisser les prix des autres produits dans une politique de péréquation tarifaire, où la marge sur le frais paie vos pâtes, riz, surgelés, que vous payez moins cher que si vous achetiez la matière première brute. En vérité, le bénéfice des supermarchés ne dépasse pas 7% pour les plus rentables, statutairement limité à 4,7% pour Leclerc, certains se contentant de 2,8%. La crise agricole actuelle repose clairement en réalité sur l’obsolescence du modèle productiviste que pratiquent les paysans qui ne s’en sortent pas.

Le modèle productiviste consiste à produire énormément par n’importe quel moyen. Pour cela, il faut beaucoup d’intrants, beaucoup d’animaux qu’il faut surexploiter dans d’onéreuses infrastructures optimisées, beaucoup d’engrais, beaucoup de surfaces de hangars, beaucoup d’engins agricoles qu’il faut approvisionner en carburant, etc. Le problème, c’est que tout ce matériel pour produire et stocker toute cette production coûte cher. Ce qui rogne sur les marges des agriculteurs. Pour ne rien arranger, cette obsession à produire toujours plus rogne sur la qualité et l’environnement. Pour produire plus, on est obligé d’avoir beaucoup d’animaux qui doivent être entassés sur des surfaces restreintes et littéralement dopés pour pouvoir produire beaucoup de viande et de lait. C’est sans compter sur les céréales qui doivent recevoir beaucoup de pesticides pour pousser le plus possible. Tout cela à un impact sur la qualité qui se dégrade et rebute le marché, de plus en plus sensible à l’écologie, qui appelle donc d’autres productions, ce qui fait chuter les prix…

Mais alors, des paysans qui s’en sortent, cela existe-t-il ? Évidemment qu’ils existent. Seulement, on en entend que peu parler du fait qu’ils soient peu concernés par le problème avec leurs exploitations qui se détachent du modèle productiviste, orientées vers un modèle visant à produire qualitativement et mieux valorisé.

Au lieu de s’obstiner à produire quantitativement, on produit qualitativement avec moins. Pour cela, plus besoin d’avoir beaucoup de bétail, de matériels agricoles, de hangars immenses et autres intrants. Ce qui génère des économies conséquentes aux exploitations qui ont moins de chiffre d’affaires, mais moins de charges, sont plus confortables pour les exploitants et plus favorables à l’environnement. La perception qu’en ont les consommateurs fait qu’elle est de plus en plus recherchée et donc valorisée au gré de l’effondrement du marché de la production de masse industrielle, destructrice pour l’Homme, les animaux et l’environnement. Les animaux étant en moins grand nombre vivent en espace extensif. Comme il n’est plus question de les presser comme des citrons, leur production de viande et de lait sont de bien meilleure qualité et se vendront biens plus cher que dans les exploitations où il est question de produire quantitativement et bon marché. Ce qui permettra aux agriculteurs de gagner dignement leur vie. D’autant qu’avec le succès grandissant des produits bio, cela montre que les individus sont prêts à mettre le prix pour une alimentation de meilleures qualité.

Pour aller plus loin, un meilleur recyclage des déchets agricoles permettra de générer des économies en intrants et même en énergie par la diversification par exemple avec la méthanisation qui en apportant un complément de revenu ou un allègement de charges contribuera à la modération des prix et la stabilisation des revenus des exploitants tout en s’inscrivant dans une politique agroécologique. Il sera même possible de proposer plusieurs variétés de produits agricoles grâce aux robots qui allégeront le travail des agriculteurs qui pourront se concentrer sur la gestion de leur exploitation, leur facilitant le travail, réduisant sa pénibitilé, rendant l’exploitation plus intéressante, tout en produisant plus de produits de qualité. Ces produits seront d’autant de meilleure qualité que les robots, grâce au big data agricole, seront en mesures de connaître et d’alimenter les cultures avec la quantité exacte de nutriment requis, ce qui limite considérablement les gaspillages et la pollution aux fertilisants.

Bref, une agriculture à la fois rentable et biologique est tout à fait envisageable. À condition de donner de l’importance à ceux qui montrent vraiment l’exemple et de ne pas se battre pour préserver le modèle que le monde refuse désormais à raison.

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