J’ai participé à un échange de l’INA sur Facebook ou Georges Pérec, dans une interview, parle de son livre « La disparition », qui a pour particularité –outre le fait d’être particulièrement chiant– de ne pas contenir de lettre « e ». 300 pages de texte sans un seul « e », ce qui est assez fou, une vraie performance.
…Mais il est surtout révélateur d’un pan très noir de la construction de la langue française exposée tout au long de son existence au pire au patriarcat, au mieux au libertinage, seule source d’un semblant d’égalité des sexes authentique.
Ma remarque a alors été que ce bouquin est fatalement remarquablement sexiste, puisque l’absence de « e » exclut de facto toute notion de féminisme. Et une femme intervient, me faisant remarquer que non, il existe bien des mots féminins sans « e » :
- La maman
- La putain
Ce à quoi moi j’exulte et j’abonde en ajoutant
- La catin
Des termes évocateurs et significatifs. Surtout si on les compare à ceux qui pourraient qualifier les hommes :
- Le papa
- Le patron
- Le soignant
- Le Roi
- Le gagnant
- Le fort
- Le puissant
- Etc.
Ce à quoi, comme si cette liste n’était déjà pas assez éloquente par elle-même, mon ami Quentin vient abonder par un lien très drôle, mais aussi lourd de sens par son cynisme qui confirme ce constat : en français, la femme est une pute, sans compromis !
http://cybersolidaires.typepad.com/ameriques/2005/03/cest_une_pute.html
Un homme à femmes, c’est un séducteur
Une femme à hommes, c’est une puteUn entraîneur, c’est un homme qui entraîne une équipe sportive
Une entraîneuse, c’est une puteUn professionnel, c’est un sportif de haut niveau
Une professionnelle, c’est une puteUn gagneur, c’est un homme qui réussit
Une gagneuse, c’est une pute qui rapporteUn masseur, c’est un kiné
Une masseuse, c’est une puteUn homme qui fait le trottoir, c’est un paveur
Une femme qui fait le trottoir, c’est une puteUn courtisan, c’est un homme qui est proche du roi
Une courtisane, c’est une puteUn gars, c’est un jeune homme
Une garce, c’est une puteUn péripatéticien, c’est un adepte de la doctrine d’Aristote
Une péripatéticienne, c’est une puteUn homme public, c’est un homme connu
Une femme publique, c’est une puteUn homme facile, c’est un homme agréable à vivre
Une femme facile, c’est une puteUn homme sans moralité, c’est un politicien
Une femme sans moralité, c’est une pute
Ajoutons :
Un chien >> une chienne
Un coureur >> une coureuse
Un chauffeur >> une chauffeuse
Un cochon >> une cochonne
Un allumeur >> une allumeuse
Un salaud >> une salope
Donc oui, ce livre est sexiste, profondément sexiste, mais ce n’est pas de sa faute, c’est en fait bien la langue qui est sexiste, qui s’est inconsciemment développée sous l’influence patriarcale. Ce qui démontre au demeurant la nécessité de l’écriture inclusive, parce que non, le masculin n’est pas un genre neutre. En français, le genre neutre n’existe pas et il serait très difficile de lui en créer un sans changer profondément la structure même de notre magnifique langue, ce qui risquerait de générer quelques résistances un chouilla rédhibitoires, quand on voit ce que de simplement changer l’accord du participe passé ou faire disparaître un accent induit. Le français est bel et bien une langue profondément sexiste dans sa structure même et il faut faire avec. Son champ sémantique est sexiste. Implicitement, les hommes commandent, les femmes sont des putes ou des mères. On comprend ainsi qu’à travers les âges la langue française s’est construite autour d’une société constituée d’hommes, dont les putes, à savoir la femme-plaisir, étaient une des composantes. Un constat sans nuance qui impose d’en tirer les conclusions
Et c’est donc dans nos paramètres sociétaux qu’il faudra trouver la ressource pour évoluer vers l’égalité. L’écriture inclusive en est un et pas aussi moindre que ses détracteurs le soutiennent. D’autant que ça fait de nous tous des fils de pute (sauf maman) et ça ne date pas d’hier !