Le déclin des géants…

Les Echos nous parle du déclin des géants du numérique, un article argumenté dans Le Vif. Mais en vérité, il ne s’agit pas que des géants du numérique, mais tous les géants. L’économie est en mutation, elle se démocratise.

Aujourd’hui, une taille critique les rend ingouvernables

Hier, les géants représentaient un monde inatteignable, sinon par les emplois qu’ils distillaient. Un monde distinct, clos, aujourd’hui exposé à la capacité des individus de communiquer entre eux, sans paramètre de distance. Hier, les géants étaient gouvernés par ceux qui allaient en vacances à la mer et dans leurs usines travaillaient ceux qui ne la verraient jamais.

Désormais, confrontés à la conscience publique issue d’internet, soit ils se démocratisent et donc ne sont plus des entreprises réellement privées, soit ils se retrouvent contraints par des réglementations anti-trust sous les protestations de ceux qu’ils exploitent, qui les figent. Alors même qu’aujourd’hui le monde appartient à ceux qui bougent, s’adaptent. Le monde évolue bien plus vite qu’avant. Entre la France de 1950 et la France de 1970, peu de différences, une population un peu plus riche, mais toujours des aciéries, des mines de charbon, des constructeurs automobiles tous puissants.

Aujourd’hui, le monde ne s’arrête plus à quelques pays développés occidentaux

Quelques pays qui maîtrisent le marché mondial, seuls capables de produire quelque chose. L’Occident n’est pas moins puissant, mais il n’est plus seul à l’être. Ce n’est pas lui qui recule, mais les autres qui avancent. Et tout va plus vite, tout se sait, se diffuse, plus vite et plus loin.

Le monde de 2010 ne ressemble pas à celui de 2015 et encore moins 2018. En 2010 on envisageait un jour les imprimantes 3D. En 2015 on produisait massivement par impression 3D. Aujourd’hui on envisage de nouveaux produits grâce aux possibilités de l’impression 3D qui se diffuse dans l’industrie, en 2020 elle sera à toutes les étapes de fabrication, en 2030 tout ou presque sera fabriqué automatiquement.

En 2000, internet passait essentiellement par le téléphone, en 56k et quasiment personne ne l’avait. en 2010, tout le monde l’avait en ADSL 20Mo. En 2020 la moitié de la population aura la fibre avec une vitesse de plusieurs centaines de Mo/s. En 2030, ce seront des Go/s, même en mobile. En 2040 tout le monde sur la planète aura accès à internet. En 2050, ce sera avec une vitesse encore délirante aujourd’hui.

…Tout va beaucoup plus vite ! L’information va plus vite, la connaissance va plus vite, la fabrication va plus vite, le développement des idées va plus vite. Plus de gens peuvent faire plus de choses plus vite, plus facilement.

Le même phénomène est observable dans le monde de l’entreprise

Exposé à la même situation, le nombre de grandes entreprises ne cesse de diminuer depuis des décennies. Les grands groupes n’ont plus d’avenir en tant que tels et on assiste à leur concentration pour survivre aussi longtemps que possible. La série de concentrations des grands groupes qui s’accélère est un signe de l’attrition de leur marché.  A terme, ils ne seront plus très nombreux avec un paysage actionnarial beaucoup plus vaste, constitué de centaines de millions de petits porteurs. Le nombre de petites entreprises, très petites ou PME, lui, explose, dans tous les pays, tout le monde devient free-lance, fonde sa PME pour exploiter son idée, s’installe à son compte pour se soustraire au système laborieux et ses conditions de travail qui se dégradent sans cesse visant à perpétuer le travail plutôt qu’évoluer. Un tissu économique de plus en plus dense plus proche de la population, plus dispatché sur le territoire, plus mobile, capable de s’installer n’importe où, par opposition à une industrie lourde qui a besoin d’infrastructures locales spécifiques.

Dans le monde numérique, c’est le même phénomène qui se produit

L’adhésion de la masse aux nouveaux moyens de communication induit la dilution des géants au milieu d’un monde de petits qui amènent pléthore d’innovations. Lorsque les géants du numérique sont apparus, ils étaient seuls sur le marché, comme les gros industriels qui ont fait les « Trente glorieuses » en leur temps. Jusqu’à tout récemment, les compétences étaient rares, peu étaient suffisamment visionnaires pour envisager que faire d’internet laissant place nette à ceux qui en étaient capables. Aujourd’hui, des millions de développeurs dans le monde développent en permanence leur petit réseau social, leur système de revue de presse ou un moteur de recherche spécifique. Et de nouvelles applis crossboard font leur apparition rassemblant ces diverses applications qui sont autant de protocoles divers sous une interface unique, plus paramétrable, plus souple, plus démocratique, plus respectueuse des droits individuels.

La trivialité apportée par l’appropriation  par la masse d’internet induit la diversité dans la créativité qui sans rendre forcément obsolètes les solutions des géants mettent du moins en exergue leurs faiblesses. D’exploiter dix petits réseaux, si l’un ou l’autre ne vous convient pas, vous le quittez et il ne vous manquera pas. Vous trouverez facilement à le remplacer, d’autant qu’il en apparaît sans cesse de nouveaux et de toute façon vous en aviez plusieurs autres.

Avec les géants, si vous n’avez pas Facebook, vous êtes mort

Se constituer une réputation au milieu de la masse, monter un profil intéressant, gérer des pages est chronophage et si l’autorité de Facebook décide que vous ne correspondez pas aux critères qu’elle a déterminé et ferme votre profil, vous êtes mort et il ne vous reste plus qu’à aller au tribunal.

Vivement la disparition de Facebook, Twitter, Google… certains pensent qu’ils sont l’instrument de leur liberté, mais c’est une erreur, c’est le contraire puisque celui qui n’y est pas n’existe pas ! Ils sont l’instrument de notre captivité.

Lorsqu’en plus vous apprenez qu’ils se sont permis d’utiliser leur application mobile pour capter vos messages et vos contacts ou qu’ils ont été incapables de protéger votre profil contre des applis qui pullulent sur le réseau, comme l’affaire Cambridge Analytica, là, vous n’avez plus envie. D’autant que c’est loin d’être mieux avec Google… et les conséquences sur le marché boursier ne se font pas attendre.  C’est d’ailleurs l’occasion de lire ou relire mon précédent article qui dénonce la virtualité des actifs de ces entreprises à la cotation délirante qui sont en fait des machines à détruire de la richesse.

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