
Statistiquement, c’est ce qu’indiquent les données. Mais, en fait, c’est faux. C’est un poncif récurrent, mais le chiffre est trop brut pour être simplement édicté comme ça, sans aucune pondération. Et c’est un problème, parce que lorsqu’un excellent article traite de la transition énergétique, comme ici sur l’hydrogène, ça laisse à penser que le chemin est considérable pour parvenir à se passer des énergies fossiles. Il est donc crucial de pondérer les données pour rendre la transition énergétique réaliste.
En réalité, la mise à disposition des énergies fossiles nécessite une consommation considérable d’énergie qui n’est pas prise en considération dans cette donnée brute qui exprime qu’en fait une grosse part de l’énergie mondiale ne sert qu’à consommer des énergies fossiles.
Le gaz nécessite des hubs, des pipelines, des dispositifs de stockage sous pression, qui sont très gourmands en énergie. Le charbon nécessite de l’extraction et du transport, très gourmands en énergie. Mais le pire, c’est le pétrole, dont le rendement final sur l’ensemble de la chaîne n’atteint pas 15%. Autrement dit, 85% de l’énergie contenue dans le pétrole extrait ne sert qu’à la mise à disposition du pétrole. Et donc, dans ce 15% résiduel d’énergie réellement produite par le pétrole, une bonne part sert à extraire ou transporter le charbon.
Par conséquent, le fait même d’abandonner les énergies fossiles induit un effondrement de la demande en énergie. A un point tel que le seul fait de passer au tout-électrique, sans aucune autre forme d’optimisation, juste le simple passage à l’électrique, induit une économie globale d’énergie de plus de 40%. De réduire la consommation de charbon réduit la consommation de pétrole, qui réduit la consommation d’électricité… le fait même de renoncer aux énergies fossiles implique un effondrement de la demande en énergie, de source fossile essentiellement. Moins de charbon, c’est moins de pétrole, moins de pétrole c’est moins de pétrole et d’électricité, moins de gaz c’est moins d’électricité, moins d’électricité c’est moins de charbon… et ça sans renoncer à la moindre consommation d’énergie, nous parlons là juste de transition énergétique, sans aucune notion de sobrieté en quoi que ce soit.
Et donc il est erroné de dire que 84% de l’énergie mondiale est constitué d’énergies fossiles, puisqu’en réalité une grosse part de ce chiffre ne sert qu’à la mise à disposition de cette énergie. Bien sûr, toute énergie nécessite une énergie de mise à disposition. Mais pour les énergies fossiles, elle est particulièrement considérable et pour le pétrole c’en est tout bonnement dramatique. Il faut l’équivalent de six barils pour en extraire dix. Ensuite de quoi il faut transporter, puis raffiner, le pétrole, et enfin distribuer le carburant. Et ça nécessite encore l’équivalent de un tiers de l’énergie contenue dans le pétrole. Et ça pour le brûler ensuite dans un moteur dont le rendement moyen max ne dépassera pas 30% sur un véhicule routier en moyenne et 50% sur un navire, en circulation, mais c’est moins de 15% en ville (si on est pris dans un bouchon on peut avoir consommé 10 litres pour avoir fait 10 km, le rendement est ridicule) et lorsque le navire est à quai, il n’avance plus du tout et brûle du carburant pour alimenter son réseau.
De brancher un navire au quai au lieu qu’il laisse tourner ses machines permet donc d’économiser au moins six fois l’énergie qu’il consomme au quai. Imaginons qu’il consomme 50 kWh sur la prise de quai, sur l’ensemble de la chaîne de pétrole qu’il n’a pas fallu extraire, transporter, raffiner, puis distribuer, ça représente au moins 300 kWh d’économisés.
Partant, il est également faux de prétendre que le pétrole représente « l’énergie de X ouvriers et donc de s’en passer va générer un manque de X ». Tout simplement parce qu’en fait le pétrole ne génère pas d’énergie, il en consomme. On ne produit pas d’énergie à partir du pétrole. C’est juste qu’il est un moyen simple de faire se déplacer des véhicules, mais au prix d’un colossal gaspillage d’énergie. Et on ne produit pas, contrairement à ce qui est cru, d’électricité à partir de pétrole. Aujourd’hui moins de 3% de l’électricité mondiale est produite à partir de pétrole. 5% si on tient compte des générateurs de secours (hôpitaux, supermarchés, etc…) qui sont faciles à remplacer par des piles à combustible.
Ce qui m’amène à un autre point récurrent dans les arguties des opposants, à savoir que l’hydrogène n’a un rendement global sur la chaîne que de 30%. Outre le fait qu’aujourd’hui ce serait plutôt 35% et que dans l’avenir ça va sensiblement augmenter, un moteur thermique à l’hydrogène a un rendement de 50%, les piles à combustible s’améliorent, l’extraction s’améliore, atteignant des rendements de 99% et le stockage devient trivial, par exemple dans l’hydrure de silicium, qui permet de stocker 7 fois plus d’hydrogène sans devoir ni le comprimer ni le refroidir, on peut surtout faire remarquer qu’en réalité il représente déjà un gain de plus de 100% par rapport au pétrole…