S’il y a une chose que cette présidentielle a bien mis en exergue, c’est l’obsolescence de notre système socio-économique, à travers de la vacuité des idées des candidats. Même –et surtout– chez les plus volubiles, à l’origine d’un incommensurable populisme auquel, malgré son apparente flamboyance sur les réseaux sociaux, les français ne se sont finalement pas laissés prendre, nous amenant à la plus ridicule confrontation finale de l’Histoire de la Vème république et probablement d’autres avant elle.
Les réseaux sociaux ne sont pas (et heureusement) représentatifs de l’opinion générale. Nous le savions, nous avions déjà eu diverses occasions d’observer, comme par exemple lors de la création d’Hadopi ou une veritable levée de boucliers d’une étonnante force l’avait combattu. Les actifs de cette mouvance, une fois Hadopi crée malgré tout avaient alors tenté de convertir la mouvance en force démocratique citoyenne. Avec autant de militants, c’était l’occasion ou jamais et le « Parti Pirate » français devait en voir le jour. Ils lancèrent alors une campagne de dons à hauteur de 40’000€, quelques centimes par personne. Une campagne restée vaine, qui plafonna à quelques milliers d’euros, nous apprenant qu’en vérité la foule innombrable de militants n’était constituée que d’un noyau dur d’individus aux multiples profils qui inondaient les réseaux sociaux depuis leurs différents navigateurs ouverts chacun dans un profil différent.
Avec Asselineau le même effet s’est reproduit, où tout le monde sur le web semblait soudain membre de l’UPR. Jusqu’à Asselineau lui-même qui jouait à la star, se prenant pour Madonna. Le résultat dût être décevant, même si encore aujourd’hui, après un cuisant premier tour, les militants sont toujours aussi hyperactifs tournant autour de ses concepts absurdes comme des mouches autour d’une ampoule et collent à tout va la foultitude de liens vers des conférences en video ou documents écrits de la logorrhée diarrhéique du désormais ex-candidat qui risque bien de ne plus en être à la prochaine, tant ses parrains durent être surpris du résultat de leur poulain. A l’heure qu’il est, je ne voudrais pas être le maire d’un petit village qui l’a parrainé, les quolibets au Conseil Municipal doivent aller bon train, heureusement que le ridicule ne tue pas. Le complotisme obsessionnel ultrapopuliste anti-tout du candidat ne lui aura manifestement pas permis d’émerger. Et ce malgré l’indéniable qualité du propos d’une cohérence qui implique une intelligence qui ne l’est pas moins (indéniable donc, cohérente, pas forcément).
Mélenchon, lui, a fait encore plus fort, dans un autre registre. Ce n’est plus lui qui est à l’origine du foisonnement d’hypersimplismes ultrapopulistes, confinant pour beaucoup à l’absurde, mais ses militants qui eux se sont avéré être réellement nombreux. Tellement nombreux que finalement il a presque réussi à se faire passer pour le candidat anti-système du renouveau. Et tant pis pour la cohérence et si 5 mesures économiques prises au hasard pour être appliquées, on en trouverait toujours une au moins impliquant obligatoirement une sortie de l’Union européenne, le candidat jurant ses grands dieux que ce n’était pas dans ses intentions. C’est un cas unique à ma connaissance depuis la Révolution française où le peuple a voté non plus pour le candidat, mais pour tout foutre en l’air. Le peuple de France du XXIème siècle voulait sa prise de la Bastille. Bien que dans le foisonnement de propositions il y en eu quelques-unes indiscutablement pertinentes, ça n’a heureusement pas suffit, nous avons eu chaud.
Mais où le populisme atteint des sommets, c’est avec les candidats du dernier tour. Entre la candidate de l’extrême-droite, Marine Lepen, candidate du populisme que tout le monde a pu voir qui si elle sait déclamer des discours écrits pour elle ou piochés dans les journaux et actualisés, dès qu’il s’agit de répondre à une question, elle en est bien incapable, ne comprenant tout simplement rien sur à peu près tout ; et le candidat de-gauche-mais-non-ni-de-droite-et-pas-du-centre-toujours-d’accord-avec-tout-le-monde-sauf-Lepen qui lui comprend clairement l’économie mais dont la consternante vacuité des idées touche à l’insondable finitude du néant, nous voilà servis.
Pour la première fois un président est élu non pas pour sauver la France, mais pour sauver les meubles. Parce qu’au premier tour, sur 11 candidats, il n’y avait strictement personne. Entre les sempiternels « petits candidats », dont on notera la présence quand même rafraîchissante du sympathique gauchiste Poutou qui nous a bien fait rire et dont la bonne idée de « l’immunité ouvrière », sorte d’anti-poujadisme ouvrier en quelque sorte, semble faire son chemin. L’un qui proposait littéralement la restauration des Privilèges. Mélenchon, un gigantesque programme de haine de la richesse et de la prospérité. Le sympathique Benoît Hamon qui semblait avoir compris de quoi était fait l’avenir, mais l’observait à l’éclairage d’un socialisme désuet, réduisant la voilure à chaque remarque pertinente, incapable de soutenir sa thèse. Marine Lepen, qui bénéficiait d’un immérité succès, conséquence d’un immense travail de « dédiabolisation » qui peine à masquer la réalité intrinsèque du Front National. Et le challenger, Emmanuel Macron, pur technocrate pur jus, aussi pur qu’il est lui-même pur et frais du haut de ses quelques printemps.
Tout ceci, toute cette consternante vacuité n’est pas la pathologie de l’obsolescence de notre société, non, c’en est le symptôme. Et que, finalement, le bon peuple de France ne se soit pas laissé embobiner par les sirènes du populisme nous apprend qu’il n’est pas encore déterminé à se laisser faire. Il y a désormais la place pour les idées, 5 ans pour nous bâtir un futur.
La mandature 2017-2022 est la dernière du XXème siècle, avant la première du XXIème siècle en 2022. Chaque siècle connaît une période de transition. Chaque siècle est différent et connaît sa propre société, mais le changement prend traditionnellement un certain temps. Le calendrier est le réveil du matin enchanteur qu’est le nouveau siècle. Là, nous en sommes à presser frénétiquement le snooze, mais il faudra quand même bien nous lever un jour.