Bien que de plus en plus connotées, malgré leurs abus occasionnels, les banques sont un instrument incontournable de l’économie moderne. L’idée de s’en passer relève de la démagogie, c’est une idéologie populiste irréaliste reposant sur l’inconscience de la consistance de l’activité bancaire et la sophistication des échanges économiques à tous les niveaux.
Les banques ne sont pas l’ennemi
La banque n’est en effet pas uniquement l’endroit où l’on dépose son argent pour le protéger. C’est surtout une institution d’intermédiation financière ayant la responsabilité de la création monétaire par le crédit. La concession de banque implique la capacité d’émettre de la monnaie qui n’existe pas pour la prêter, en pariant sur la valeur attendue du projet financé, ce qui constitue un risque, qui doit être géré de manière aussi pertinente que possible. Le génie de tout ceci réside dans le concept des réserves fractionnaires, dont nombre d’anticapitalistes se gargarisent pour tenter de décrédibiliser ce système qui les dépasse. Le génie réside dans le fait de pouvoir tout à la fois prêter plus d’argent qu’il n’en n’existe dans les coffres et donc d’investir plus, ce qui dynamise l’économie, tout en améliorant la rentabilité et la démocratie, en faisant que tout un chacun peut emprunter.
Ainsi, le Protocole de Bâle, défini principalement par les banques elles-mêmes, entre elles, impose à toutes les mêmes conditions d’émission. Chaque banque doit disposer de réserves sur lesquelles elle peut appliquer un levier et ainsi multiplier le crédit comme Jésus multipliait les pains. Avant ce système, avant que les banquiers florentins n’inventent le crédit, la banque devait emprunter pour prêter au-delà de ce dont elle disposait. Ce qui limitait fortement la capacité d’investissement puisque pour emprunter encore fallait-il que l’argent existe. En conséquence de quoi il était prêté avec mesure et puisqu’il était si rare, seuls les riches y avaient accès. Avec l’invention du crédit les banques ont pu multiplier les sommes disponibles et donc faire en sorte que la capacité d’investir soit plus accessible et se démocratise. Et le Protocole de Bâle évite qu’elles fassent n’importe quoi avec ce puissant pouvoir.
Dans les faits, si personne ne peut interdire à une banque d’émettre du crédit, quel que soit son niveau, en revanche un tel comportement sera sanctionné via des foultitudes d’indices qui documentent en permanence l’état du bilan et la banque centrale pourra émettre un avis négatif qui produira fatalement des retombées financières. La banque est donc contrainte à un certain auto-contrôle. Ce faisant, les banques n’empruntent plus directement l’argent qu’elles prêtent plus loin, elles l’émettent, « ex nihilo », simplement en se basant sur l’estimation du risque du projet financé. Et comme elles sont limitées sur le levier d’émission et ne l’exploitent qu’au fur et à mesure au lieu d’emprunter une somme déterminée qu’elles gèrent, ce dispositif s’appelle « réserves fractionnaires ». Fractionnaires parce qu’elles peuvent disposer par petits bouts au gré de la demande. Ce qui leur évite d’assumer les charges d’un emprunt qui ne serait pas investi immédiatement. Les réserves fractionnaires sont donc une optimisation technique puissante du système économique moderne qui a permis tout à la fois que chacun puisse espérer avoir une chance d’obtenir de l’argent pour son projet, tout en optimisant la rentabilité de la banque et donc le coût de cet argent.
Dénigrer les banques par principe comme on peut le voir souvent, par ignorance, serait par conséquent absurde. C’est un métier excessivement complexe qui nécessite des compétences extrêmement pointues dans une grande diversité de métiers, aussi bien pour gérer les dépôts qu’analyser les investissements, documenter les crédits, expertiser les risques, ce qui nécessite littéralement d’être rigoureusement spécialisé en à peu près n’importe quoi, tant les activités humaines sont diverses. Voilà pourquoi nous avons besoin des banques. Mais elles sont aujourd’hui inadaptées. Lorsqu’elles ont été créées la société était plus simple, plus inégalitaire et seule une infime fraction de la population était éduquée avec la capacité de se préoccuper des choses politiques et économiques. Aujourd’hui ce n’est plus le cas, la cognition a explosé les compétences se sont multipliées, la société s’est complexifiée et désormais c’est de plus en plus sur les idées que l’économie repose. Ce qui nécessite naturellement une adaptation du système existant, qui a besoin d’une plus grande transversalité des savoirs pour améliorer la diffusion de l’innovation. Apportant ainsi une horizontalisation des pouvoirs pour répartir la responsabilité sur un plus grand nombre de manière plus démocratique.
Plus d’équité par le partage du pouvoir économique
Au fil de l’Histoire le contrôle de la monnaie s’est retrouvé structuré de facto centralisé dans les mains des banques. Certes sous la responsabilité d’une banque centrale, inféodée à l’Etat, mais à la latitude de régulation pour la maîtrise des choses très limitée. Pour des raisons bien pragmatiques en vérité, puisqu’il existait quantités de monnaies en circulation, faisant de chaque transaction une raison de s’arracher les cheveux. Et aussi tout simplement parce que la société se complexifiant, le niveau de compétences techniques nécessaire s’est élevé constamment. Il n’en reste pas moins que cette fonction centrale pour un groupe d’acteurs lui confère un pouvoir considérable, égal à celui de l’Etat, puisque le contrôle de la monnaie implique celui du financement. Si l’investissement et la finance se trouve largement en mains d’investisseurs privés, particuliers ou institutionnels, les deux sont profondément intriqués. Le secteur bancaire décide littéralement de ce qui est et de ce qui n’est pas en sélectionnant ce qui lui convient, qui est conforme à ses aspirations et objectifs puisque une part de crédit est quasi systématiquement présente. Et ce pouvoir est d’autant plus significatif que les banques ont réussi, progressivement, à facturer leur service de garde de l’argent des particuliers, en plus de leur interdire d’en détenir chez eux et, même, il devient difficile d’en retirer, il faut justifier. Tout est fait pour que l’argent soit entièrement sous contrôle des banques qui en disposent comme elles l’entendent, les dépôts faisant les réserves, ce sont leurs fonds propres.
Ce n’est toutefois pas le sujet ici de déterminer si les banques sont des acteurs responsables méritant cette capacité, de toute façon nous connaissons tous les dérives consécutives aux abus divers et leur incidence sur la société qui se sont répétés dans le passé et la société se retrouve condamnée à subir, n’ayant aucun contrôle en amont et uniquement les effets en aval. S’il est vrai que des instruments ont été péniblement mis en place pour faire reposer censément sur les banques elles-mêmes la responsabilité de leurs agissements, capables d’absorber une minuscule fraction du choc d’un infinitésimal acteur défaillant, lorsque le cataclysme est à échelle macro, il faut bien faire intervenir le pouvoir politique pour limiter la portée des conséquences sur l’économie en couvrant la note et c’est quand même le public qui trinque. En vérité, il s’agit juste ici de mesurer les apports d’une évolution de ce système en partageant ce pouvoir de manière plus citoyenne. Le mesurer en termes de rentabilité, de création de richesse, de gain démocratique et écologique, de stabilisation de l’économie et, in fine, de retombées positives pour l’ensemble qui bénéficie ainsi directement de son interaction responsable.
Une meilleure prospérité grâce à une plus forte diversité économique
Nous avons vu plus haut que le métier de banquier implique une très vaste connaissance d’une foultitude de sujets, ce qui est évidemment éminemment compliqué. Et ce qui est paradoxal est que plus un projet est considérable et plus il est facile d’en mesurer le risque et sa rentabilité et donc de décider de son financement. A contrario, plus un projet est petit et plus c’est difficile, puisque dépendant de bien plus de facteurs indicibles. Dans un grand projet les facteurs sont nombreux et complexes, mais connus, parfaitement identifiés et comme les intervenants sur le projet sont également nombreux, si le projet devait connaître des problèmes, il serait possible d’intervertir les acteurs pour le sauver. Dans le cas d’un petit projet, les facteurs sont moins nombreux, mais inconnus. Le projet est souvent porté par une personne unique ou un petit groupe, dont on ne sait rien. Il n’y a pas un grand capitaine d’industrie avec un historique, par exemple. Ensuite, le projet repose sur une innovation, technique ou technologique dans son secteur ou alors au contraire sur l’exploitation d’un marché déjà très ancien, comme la création d’une épicerie.
Et les études de marché n’apprennent rien. Je prends toujours en exemple un cas que j’ai connu personnellement, avec un jeune homme qui avait l’idée d’un salon de coiffure avec un concept. Il voulait s’installer dans un village de 1800 habitants qui avait déjà deux coiffeuses, une à domicile et l’autre en salon, et un vieux coiffeur pour hommes. Il a fait deux études de marché qui, bien évidemment, ont été largement négatives. Et donc le financement de son projet s’est considérablement compliqué. Mais il y croyait et a finalement trouvé les fonds. Il a ouvert son salon. 5 ans plus tard, la coiffeuse à domicile était toujours là et venait travailler pour lui occasionnellement quand il avait trop de travail. La coiffeuse en salon a fermé son salon et s’est arrangée commercialement avec lui pour travailler dans son salon. Le vieux coiffeur, voyant son chiffre diminuer alors qu’il était proche de la retraite, a fermé son salon et pris sa retraite anticipée. Et le salon de coiffure du jeune homme marchait à fond, son concept attirant des clients de bien plus loin que le village. Une étude de marché est plus mathématique qu’autre chose, elle mesure une taille de marché disponible et en fait des déductions. Si c’est un très gros projet, les petits acteurs existants sont considérés comme insignifiants, parce que le gros projet aura les moyens de les écraser. Mais s’il y a déjà une saturation d’acteurs de même taille qu’un nouvel acteur, difficile d’estimer que ce nouvel acteur aura la capacité de se faire sa place. Et, on le sait, on peut avoir deux magasins de part et d’autre d’une route qui vendent les mêmes produits, sur la même surface, avec le même parking devant offrant un accès aussi facilité et l’un marche et l’autre pas. Une étude de marché ne peut pas réellement prévoir ça.
De fait, plus un projet est de petite taille et proche, dépendant, de l’humain et plus il est éloigné de la banque qui peine à l’apprécier. D’autant que ce sont les projets où le risque de défaillance est le plus élevé. En conséquence ils sont les plus difficiles à financer, le porteur du projet devra faire un parcours du combattant qui va durer typiquement deux ans, allant d’organisme d’assistance en prêt d’honneur via les organismes de caution solidaire, puis la banque, puis les business angels et tout ceci rend le projet très incertain. Il faut avoir le temps, les moyens, l’énergie pour réaliser tout ça et l’immense majorité n’arrive tout simplement pas au bout, alors même qu’ils pouvaient être de très bons projets, innovants, avec une incidence locale forte et positive. Cette situation place la banque au centre de l’échiquier, dans une position honorifique pour elle, mais inconfortable, parce qu’on a des attentes à son encontre auxquelles elle peine à répondre, quasi omniscientes. Le métier de la banque est l’intermédiation financière, pas d’orienter l’économie en faisant des choix de financement. Finalement, la démocratie dans le financement avec le modèle existant découle principalement de deux choses : le foisonnement des banques, dont chacune a une orientation plus ou moins claire et une spécialisation plus ou moins pointue, ce qui crée une certaine variété de compétences, et le politique, qui par des décisions d’orientation amène des séries d’investissement. Clairement, ce n’est pas favorable à une grande diversité économique qui est pourtant la clé de la prospérité. Plus on a une économie dirigée et plus elle est égalitaire mais moins elle est florissante et se limite à répartir la pauvreté. Plus on a une économie diversifiée, plus elle est innovante et source de richesse et porteuse d’épanouissement pour ses acteurs. Dans ces conditions, pourquoi n’a-t-on pas une économie totalement libérale ? Tout simplement parce que l’argent ça ne pousse pas sur les arbres. Mais il existe des propositions, vraisemblablement pertinentes, que tout individu naisse avec un droit à une somme à un moment de sa vie, de sorte que chacun sait qu’il peut compter sur X fonds propres pour créer un projet. Et d’autres proposent qu’une somme de crédit soit prévue. On pourrait combiner les deux. Imaginons que tout individu qui naît aura droit à 10 000 € de fonds propres le jour où il a un projet viable et un crédit de 50 000 €. Avec une telle somme, on est certain de pouvoir financer un projet de belle taille.
Il y a toutefois plusieurs faiblesses dans ce concept, qui vise plus l’équité que l’efficacité, à commencer par le fait que ce n’est démocratique que dans la mesure où c’est dévolu à tous, que c’est un dû. Chacun peut créer un projet s’il l’entend. Mais tout le monde n’est pas capable de porter un projet, certains ne feraient donc jamais appel à leur droit et s’ils participent à un autre projet pour y contribuer en débloquant leur droit, il y a de fortes chances pour qu’ils se retrouvent instrumentalisés. Enfin, le public n’y participe toujours pas. Or les projets à taille humaine s’adressent toujours au grand public. Une centrale nucléaire, une usine d’automobile, ne relèvent clairement pas du grand public, ce sont des projets qui les dépassent. Mais une supérette, un atelier d’artisanat ou de réparation, une exploitation maraîchère, un salon de coiffure, ce sont des projets qui concernent directement les usagers de l’économie, généralement locale. Il peut y avoir des exceptions aujourd’hui, en raison d’internet, qui apporte la possibilité d’avoir un projet d’application d’ampleur virtuellement illimitée, mais ça représente une part infime des financements démocratiques. Et donc de tels systèmes, même s’il serait souhaitable qu’ils voient le jour d’un point de vue politique, ne répondent toujours pas pleinement à un libéralisme total débouchant sur une large diversité économique exploitant l’innovation contenue au sein du public.
Un organisme démocratique d’économie contributive
Voilà pourquoi une surcouche de la banque permettant à la population de s’exprimer est une solution pérenne et viable. Qui permet d’élargir la diversité économique sans pour autant compromettre les prérogatives de la banque. Les compétences de la banque sont telles qu’il faut la considérer comme incontournable. La complexité de l’économie contemporaine est telle qu’il n’est pas envisageable de la gérer de manière communautaire. Les compétences de pointe ont leur place inéluctable dans notre société. En revanche, de soulager la banque de sa fraction de financement où elle est le moins à l’aise non seulement contribue à faciliter sa gestion, mais lui ouvre de nouveaux marchés, mieux garantis puisque portés par les clients du projet eux-mêmes. Il est reconnu qu’un projet porté par le public, par un grand nombre de personnes, sont plus crédibles et moins risqués. D’autant que le fait même qu’ils soient portés par un grand nombre fait que le concept est déjà diffusé au moment de sa création, sans devoir l’imposer par une communication massive. Et là nous répondons alors aux critères démocratiques, non seulement parce que la banque est amenée à confier une partie de son pouvoir de création monétaire par le crédit à la population, et donc invite la population à bénéficier de l’utilisation du bien commun qu’est la monnaie, mais également parce que la population participe directement à l’orientation de l’économie et perçoit les retombées directes de son interaction.
L’économie contributive est l’une des clés du « stakeholder capitalism », le « capitalisme des parties prenantes », prôné par le World Economic Forum (WEF) qui consiste en un meilleur partage de la valeur. Ce d’autant plus à notre époque confrontée d’une part à la transition sociétale inéluctable de l’attrition du travail, débouchant sur la transclusion du 21e siècle avec l’émergence d’une nouvelle couche socio-économique appelée à contribuer dynamiquement à l’économie, élargissant le périmètre de la création de richesse, dont elle percevra les fruits différemment. D’autre part à l’urgence écologique, dont nous savons que la population y est sensible ce qui amènera donc fort logiquement un soutien plus fort aux projets qui y répondent que ceux qui n’en sont pas. Concrètement, pour l’Action Mutuelle d’Investissement, il s’agit que chaque banque intéressée à participer au système ouvre une ligne de crédit sur la base du fonds de garantie constitué par l’organisme, avec un levier, permettant ainsi de multiplier l’épargne. Rien de plus que ce que la banque fait déjà aujourd’hui avec le système des réserves fractionnaires, c’est juste qu’elle en confie une partie du contrôle à un organisme démocratique, qui lui ouvre accès à des projets qu’elle n’aurait pas forcément financé et soutenus parfois par des porteurs de projets qui n’ont pas la surface financière suffisante pour les mener à terme dans le système actuel. Or une autre caractéristique de la banque est sa rigidité institutionnelle, elle ne peut pas se substituer au porteur de projet en cas de problème. Alors que l’organisme peut mettre en place un contrat imposant un système d’assistance au porteur de projet tant qu’il est client de l’organisme, jusqu’à ce qu’il soit pérenne. Son rôle étant démocratique, il a pour devoir de donner le plus de chances à tous de façon à ce qu’il y ait le plus de valeur créée, non seulement pécuniaire, mais également sociale, une autre notion peu compatible avec la banque, purement commerciale, même avec la meilleure volonté du monde.
Le fonctionnement technique et ses aspects moraux
L’organisme dispose bien évidemment d’une structure parfaitement organisée, qui permet de le soustraire à la gouvernance aléatoire du public et également de présenter des garde-fous contre les projets hasardeux, les emballements du public pour des idées périlleuses et pour la gestion financière et technique. Il ne s’agit pas de réaliser une association, mais bien un organisme commercial avec l’ambition d’une échelle d’ampleur à influer sur les grandes orientations politiques et économiques et susceptible de contribuer et répartir de manière significative à la création de richesse. L’idéologie qui le régit, bien qu’humaniste, se doit d’être pragmatique, démocratique et économique. Il s’agit là de garanties pour la participation des membres de sa gouvernance tant que pour le rendre sexy aux yeux des banques, qui doivent y trouver là un gain d’image en termes de proximité avec le public. De participer au système doit être une source de fierté, en faire un label, sur lequel la banque pourra communiquer pour afficher l’importance qu’elle accorde à sa clientèle. En termes d’image le gain est considérable. A contrario, une banque ayant connu un épisode non conforme à l’idéologie du concept pourrait s’en trouver exclue, ce qui serait très dommageable au niveau de l’image et donc ce paramètre est incitatif à un comportement vertueux, toujours conforme aux nouveaux dogmes économiques du 21e siècle, ce qui participe de la réhumanisation de la finance.
L’organisme est structuré en deux entités distinctes : la gouvernance, qui est une Société Coopérative d’Interêt Collectif (SCIC) d’une part et le fonds de garantie à proprement parler. N’importe qui peut évidemment être sociétaire s’il le souhaite. Mais ce système est pensé pour que la gouvernance soit assumée par des compétences, tandis que le fonds de garantie repose sur le public qui soutient les projets. Ainsi, adhèrent à la SCIC ceux qui y trouvent un intérêt. Les banques participantes, les collectivités qui souhaitent bénéficier de l’environnement dynamique pour leur territoire, les organismes associatifs qui souhaitent participer à la gestion, les particuliers intéressés, qui ont des compétences à apporter ou pas, un expert-comptable à la retraite est très souhaitable, mais si un artisan ou un ouvrier veut participer à la gouvernance, ils sont évidemment bienvenus. La coopération part sur le principe d’un actionnaire égal une voix. Il n’a pas d’intérêt de disposer de plusieurs actions, puisque aucun dividende n’est versé. Le capital social fait bien sûr partie du capital total de l’AMI qui l’exploite comme ses fonds propres et l’ajoute au fonds de garantie socle du levier de crédit. Les coopérateurs ne participent pas aux choix du public, ils se limitent à la gouvernance institutionnelle de l’organisme. Mais rien ne leur interdit, en tant qu’individus, d’adhérer également au second pilier pour participer comme n’importe quel membre du public et même interagir avec lui en tant qu’expert sur le forum.
En face, il y a donc le fonds de garantie, qui pourrait être une association, à laquelle devient adhérent tout possesseur d’au moins une quote-part de ce fonds, qui aujourd’hui s’exprimerait sous forme d’un token. L’épargnant peut acheter autant de quotes-parts qu’il le souhaite, chacune bénéficiant d’une fraction des bénéfices du système. Plus chaque participant acquiert de quotes-parts, plus son épargne lui rapporte, mais c’est un adhérent égal une voix, le nombre de quotes-parts du fonds donne autant de retombées, mais n’apporte aucun gain démocratique. Plus les choix du public sont pertinents, plus les retombées sont conséquentes pour tous. Ce qui présente un avantage didactique pour tous évident vis-à-vis de la complexité de l’économie qu’aujourd’hui peu appréhendent à sa réelle complexité. En impliquant tout le monde devant les décisions auxquelles sont soumis aujourd’hui les décideurs, le public acquiert la notion de risque et de nécessaire rentabilité, même si l’humain ne doit pour autant jamais être perdu de vue. Les choix de chacun au milieu de l’ensemble ont des conséquences communes, c’est une gestion des communs, chaque projet soutenu devient un commun, pas le projet lui-même, mais l’idéologie qui l’a concrétisé et les moyens qui l’ont permis. L’ensemble du processus se déroule sur un forum, selon un protocole précis qui a été pensé profondément pour permettre des échanges structurés et dynamique, apportant à chaque porteur de projet la possibilité de l’expliciter selon des règles qu’il aura établies lui-même en tant qu’administrateur de son propre forum.
Le fonds de garantie est investi de manière à être crédible en tant que capital aux yeux des organismes adhérents qui partagent une fraction de leur pouvoir d’émission monétaire avec l’AMI. Soit dans des investissements propres à l’AMI, par exemple il pourrait être opportun d’investir dans du HLM, ou du logement étudiant, ou même certaines startups. Tout ceci est à discrétion de l’organe de gouvernance, la SCIC et on trouve là l’intérêt de la mixité des acteurs civils et financiers. S’il doit y avoir investissement, il ne sort pas de nulle part, il repose sur la décision de gestionnaires aguerris. Ce fonds peut également être confié directement à la banque adhérente, il n’y a pas lieu de se fixer des limites quand à l’exploitation du fonds. Et, donc, sur la base de cette garantie, la banque adhérente ouvre une ligne de crédit équivalente au levier prédéterminé sur base de la part du capital allouée en garantie. Un levier de 5 semble être un bon minimum.
En agissant ainsi, les avantages sont multiples. Tout d’abord, lorsqu’un projet est soutenu, tout comme pour une banque qui gère son risque, ce n’est pas l’épargne qui est détruite, mais juste la rentabilité du concept. Dans un système de crowdfunding (don) ou crowdlending (participation en capital) en cas de défaillance, l’épargne consacrée au projet est définitivement perdue. Dans le premier cas elle est de toute façon perdue pour celui qui a participé et ne pourra donc reparticiper que le jour où il a de nouveau quelque chose à donner. Et si le projet se maintient il est avantageux pour la société et donc offre des retombées indirectes. Si le projet fait défaut, la richesse que représentait l’épargne est définitivement détruite. Dans le second cas, si le projet se pérennise, l’investisseur en perçoit directement et indirectement les fruits, si le projet fait défaut, là encore la création antérieure de richesse que représentait son épargne investie est perdue pour tout le monde. Ici, il s’agit de prêter de l’argent qui a été créé spécifiquement pour financer le projet sur la base de la confiance en sa réussite. Si le projet fait défaut, aucune richesse n’est détruite, c’est seulement la création globale de richesse par l’organisme qui s’en trouve réduite à hauteur de la fraction d’investissement que représentait le projet failli. L’épargne investie dans le concept par le membre n’est donc pas perdue, ni pour lui, ni pour l’économie. Le levier agit comme un coussin, grâce à la multiplication de l’épargne que représente le levier, c’est uniquement la rentabilité globale qui s’amoindrit au gré du nombre de défauts. C’est seulement si trop de projets plantent qu’il finit par y avoir une perte sèche. L’épargne est donc protégée par les décisions de la communauté qui assume directement les conséquences de ses choix sur le rendement de son interaction, ce qui responsabilise le public à tous les niveaux.