Marc Touati explique pourquoi baisser les impôts serait une solution miracle dans Capital.
Une vision bien trop simpliste, trop manichéenne, reposant comme toujours sur une vision obsolète de l’économie.
Les prélèvements obligatoires ne sont que les prélèvement directs
Tout d’abord, les prélèvements obligatoires ne sont pas significatifs d’une surimposition, parce qu’ils ne tiennent pas compte du reste à vivre en conséquence des charges courantes. En France on a des prélèvements obligatoires plus élevés que les pays avec lesquels on compare habituellement, mais en France tout ce qui se paie ailleurs est gratuit.
En France, que ce soit la carte d’identité, un extrait de naissance ou de casier, ou même la voiture, tout est gratuit. Ailleurs,on paie, cher, pour chacun de ces documents et la voiture est lourdement taxée, jusqu’à plusieurs milliers d’euros par année pour une grosse cylindrée aux Pays-Bas ou la Belgique. Au Danemark on la taxe à l’achat, jusqu’à 140% (autrement dit, vous achetez une voiture 50’000€, 30’000€ c’est de la taxe).
L’impôt sur le revenu est obsolète
Maintenant, l’impôt sur le revenu proprement dit, qui est un concept désormais obsolète. L’impôt sur le revenu ne sert absolument à rien, sinon à permettre à ceux qui ont les moyens de ne pas le payer et mettre la pression sur les classes moyennes. Il a été introduit au début du 20ème siècle pour une raison précise, tout comme l’impôt sur les portes et fenêtres l’a été au début du 19ème pour une raison bien précise. Deux raisons bien simples à comprendre en vérité :
– Au 18ème siècle seuls les riches ont du capital, de l’argent et possèdent donc les biens immobiliers. Les pauvres , qui représentent plus de 80% de la population, ne peuvent payer un tribut que par une fraction de leur production ou la réalisation de tâches pour l’Etat. Mais la Révolution de 1789 a mis fin au servage et donc de facto à la Dîme, la Corvée, la taille qui, lorsqu’elles se pratiquaient, sous le régime féodal, les riches n’étaient pas astreints à l’impôt, c’étaient les pauvres qui le payaient. Alors il a été introduit l’impôt sur les portes et fenêtres pour imposer les riches. Mais les petits malins muraient les ouvertures jugées dispensables pour économiser des impôts, une évasion fiscale en béton. Pour ne pas déparer les immeubles, ils faisaient peindre les éléments murés en trompe-l’oeil.
– Avec la progression économique au 19ème siècle, la masse voit son pouvoir d’achat augmenter progressivement et au début du 20ème siècle commence à émerger une classe moyenne. Une catégorie trop pauvre pour être taxée sur ses biens immobiliers et trop riche pour ne pas payer d’impôts. Alors on abandonne l’impôt sur les portes et fenêtres et on instaure l’impôt sur le revenu.
L’économie évolue toujours et aujourd’hui plus qu’hier
Depuis, l’économie a beaucoup évolué et la fiscalité doit logiquement évoluer. Alors qu’au début du 20ème siècle l’impôt sur le revenu représentait plus de 70% des rentrées de l’Etat (il en a d’autres, comme des crédits à d’autres pays, la taxation douanière, le butin de guerre,etc…), aujourd’hui l’IR ne représente que 25% des rentrées fiscales de l’Etat, 23% des rentrées totales. Ce n’est pas grand-chose et le seul fait de l’abolir, par la seule amélioration du pouvoir d’achat et la réduction des coûts qu’il engendre, le tiers de la somme manquante serait déjà largement couvert. Pour peu qu’on ajoute un paramètre sociétal qui stimule l’initiative individuelle en exploitant ce gain de pouvoir d’achat pour l’orienter vers de l’investissement plutôt que de la consommation, la perte est largement couverte.
Un autre point caractéristique de l’IR est qu’il est perçu par tous comme inéquitable. Les pauvres accusent les riches d’évasion fiscale (et ils ont raison, les riches ne paient que 18% d’impôt), la classe moyenne se plaint d’en souffrir (et elle a raison, parce que elle c’est plutôt 36%) et les deux accusent les non-imposables de ne pas contribuer équitablement à l’économie. Or ils paient aussi des impôts, sous diverses formes. Outre la TVA, évidemment, ils les paient sur leur pauvreté et on peut aussi ajouter que le fait d’être non-imposable ne permet pas de bénéficier des déductions fiscales, par exemple par les dons. Alors que les imposables peuvent déduire les dons à hauteur de 66% de leur revenu imposable, les non-imposables ne le peuvent pas, leur don est une perte sèche. Il en va de même pour l’investissement dans une PME. Si un imposable investit 1000€ dans une PME, il peut déduire cette contribution de diverses manières, alors que le non-imposable ne le peut pas. La part d’impôt que l’imposable n’a pas payé grâce à cet investissement représente l’impôt que paie le non-imposable.
Adaptons l’impôt à l’évolution
In fine, d’abolir purement et simplement l’impôt sur le revenu induirait une hausse du pouvoir d’achat moyenne sur l’ensemble des foyers de 150€, c’est énorme. Si on le réduit de seulement 30% ça augmenterait déjà de 150€ par mois en moyenne le pouvoir d’achat sur les foyers imposables. De relancer ainsi la consommation induirait une hausse des rentrées fiscales via la TVA et l’impôt sur les sociétés en plus d’un recul du chômage, donc des dépenses de l’Etat. D’autant que ça permettrait une hausse des encaissements de charges sociales.
Mais l’idéal consisterait à remplacer cet impôt obsolète qui n’est plus compatible avec la société actuelle, en raison de la fuite des capitaux, par un nouveau. L’IR a été introduit à une époque où les riches étaient contraints de détenir leur argent sur place, de même que leurs activités. Aujourd’hui, on peut vivre ici,avoir ses activités ailleurs en exploitant le marché ici et son argent encore ailleurs. Forcément, l’impôt doit évoluer et reposer sur autre chose pour retrouver son utilité de mixité sociale et de réduction de l’inégalité. Et ça, c’est facile ! Et pour couronner le tout, il est même possible non seulement d’encourager les riches à contribuer à l’économie réelle en modulant l’impôt en conséquence de l’inégalité.