La relocalisation industrielle n’est pas une fausse bonne idée, mais une vraie mauvaise idée

C’est un discours récurrent que la « désindustrialisation », que « nous avons confié le soin à d’autres de nous approvisionner ». L’idée que de relocaliser nous apporterait de la croissance est une vision pour le moins simpliste de la réalité économique de l’industrie. Cette pensée repose sur l’idée que l’emploi est favorable à l’humain et donc que d’en créer permet l’épanouissement, ce qui est un grave biais cognitif qu’il sera crucial d’éliminer. Là-dessus vient s’ajouter l’argument, pseudo-écolo et très populiste, de la réduction des transports, comme si d’importer de la matière première ou des produits semi-finis et d’exporter des produits finis était moins polluant que d’importer des produits finis. Absurde, évidemment, d’autant que le transport maritime et aérien ne représente quasiment rien dans la pollution anthropique mondiale, mais va encore polluer de moins en moins. En réalité, nous n’avons pas suffisamment délocalisé, pour plusieurs raisons, de même que nous n’avons pas suffisamment perdu d’emplois.

Tout d’abord, il y a la notion purement économique. En matière économique, ce qui est rentable, porteur de développement sociétal, c’est la connaissance, pas la production. De fait, c’est l’effort industriel qui est rentable. Si une industrie a pu être délocalisée sur un territoire où les salaires sont plus bas, parce que leur économie est moins avancée, leur société moins développée, c’est qu’elle est triviale chez nous et donc qu’elle ne nous rapporte plus rien, voire même elle nous coûte, cher. Depuis des décennies nous « investissons », « dilapidons » serait plus juste, dans la lutte pour l’emploi. Pas seulement la France, toutes les économies avancées. Chacun y va de sa propre méthode, adaptations fiscales pour favoriser l’investissement, soutien direct à l’emploi, soutien direct aux entreprises par divers moyens, etc. Mais on observe les mêmes conséquences dans toutes les économies avancées : stagnation technologique, chômage grandissant, durcissement des conditions sociales et donc abaissement de la qualité de vie, abaissement continu de la qualité de l’emploi, paupérisation de la classe moyenne inférieure, précarisation, creusement de l’inégalité, endettement souverain, etc., etc., etc..

La France produit un mix de tout ceci et l’intégralité de sa dette souveraine n’a été consacré qu’à ça : la lutte pour l’emploi ! Dette qui a augmenté avec l’élection de François Mitterrand dont le financement de l’Etat par la Banque de France ne suffisait pas pour ses grands plans sociaux, quand bien même il avait poussé l’inflation à 11%, puis a explosé en 1986 lorsqu’après les législatives l’opposition est revenue à la majorité donnant naissance à la première cohabitation. L’Assemblée nationale s’étant alors opposée à la Loi de finance de 1987, conformément à la Constitution de 1958, mettant fin de facto à l’inflation en interdisant à l’Etat de se financer par la création monétaire, le contraignant alors d’emprunter sur les marchés au-delà des 950/1000e des rentrées fiscales prévues autorisés par l’article 25 de la Loi 73-7. A partir du milieu des années 80 a été introduite « l’Economie des conventions », une sorte de brouillard pseudo-scientifique d’une vision corrompue d’un ultra-keynésianisme consistant grosso modo à gaspiller autant d’argent que possible dans l’économie. Ceci dans le seul et unique but de générer artificiellement de l’activité afin d’avoir de l’emploi. Et voici la France engagée dans la voie du surendettement. 

Et donc au lieu de chercher à évoluer en se réindustrialisant avec les technologies du 21e siècle, peu génératrices d’emplois, mais d’excellente qualité, plus écologiques et à très forte valeur ajoutée, nous avons lutté pour maintenir la société au 20e siècle « à n’importe quel prix », quittes à dépenser « un pognon de dingue ». Et tout y est passé : subventions massives à l’emploi, plus ou moins directes, de l’aide au premier emploi à la formation en passant par le chèque énergie ou la prime d’activité dont le rôle est de permettre de moins rémunérer les salariés pour pouvoir embaucher plus en échange de cadeaux fiscaux. En 1980, dernière année de budget à l’équilibre grâce à l’inflation  avec le financement par la création monétaire (la dernière année de budget à l’équilibre hors inflation étant donc en 1971) qui rongé le franc français en 15 ans, le faisant passer du statut de monnaie de référence en 1971 à celui de monnaie de singe en 1986, l’impôt sur les sociétés était à 50%. On n’a eu de cesse de le réduire depuis. L’attrition constante du nombre d’heures travaillées par des humains en proportion de la création de richesse réduisant la charge salariale qui vient s’ajouter à la réduction fiscale, finalement les entreprises redistribuent aujourd’hui 40% moins de leur création de richesse qu’en 1970, et ce uniquement pour avoir de l’emploi, de plus en plus mauvaise qualité, en rétablissant le creusement de l’inégalité avec des riches exponentiellement de plus en plus riches et une dette qui s’envole vers les cieux.

De fait, lorsque nous délocalisons nous éliminons une production non rentable parce qu’elle ne nécessite plus d’effort industriel. Et donc si un pays à moindre salaire a la même ou similaire, elle entre en concurrence directe, ce qui incite chez nous à larguer du lest pour retrouver de la compétitivité pour être concurrentiels. Comprendre plutôt larguer de l’humain comme un aérostier largue du sable pour reprendre de l’altitude. Ainsi nous abaissons continuellement la qualité de vie en tapant sur les chômeurs, en contraignant le revenu médian à moins progresser et se rapprocher insensiblement du SMIC, ce qui génère de la paupérisation d’une frange de la classe moyenne et de la précarisation tout en renforçant les droits des salariés qui deviennent littéralement prisonniers de leur contrat de travail. Avec des riches qui s’enrichissent exponentiellement de plus en plus. Tout ceci stoppe net chez nous toute perspective de développement sociétal qui au contraire régresse.

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Alors que la délocalisation dans une économie moins avancée la contraint à un effort industriel. Cette économie doit déployer des filières de formation, développer des infrastructures, ce qui va induire une élévation constante du niveau de vie. Jusqu’au jour où cette industrie sera triviale pour elle et devra alors être délocalisée plus loin pour développer un autre pays. Ainsi, de délocaliser nos industries obsolètes revient à une extension de notre création de valeur en même temps que nos futurs marchés. Parce que produire chez nous, c’est bien beau, mais si nous n’avons personne à qui vendre, ça nous fera une belle jambe. Pour faire des affaires, c’est comme pour faire l’amour ou la guerre : il faut être au moins deux. De relocaliser revient donc à nous appauvrir et nous endetter en même temps que l’on appauvrira nos futurs clients, ce qui relève de la bêtise la plus absolue. Et ça au détriment de l’industrie d’avenir qui régénérerait notre croissance grâce à sa création de richesse bien plus grande en raison de sa plus forte valeur ajoutée reposant sur une complexité inaccessible à nos territoires de délocalisation. De déployer une nouvelle industrie, conformément au principe de destruction créatrice Schumpeter non seulement nous permettrait de maintenir notre avance technologique et sociale, mais de surcroît libérerait une masse de population de sa condition salariale pour une économie plus contributive socle de l’intelligence collective, plus démocratique, plus écologique, plus favorable à l’humain, nous remettant sur la voie de la croissance et du développement sociétal. Une économie plus favorable à l’initiative individuelle et donc à l’innovation, menant à la diversité économique qui elle est source de prospérité.

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