La réalité des nuisances du train

Le populisme prétend que le train serait écologique et l’avion serait épouvantable. Alors j’ai décidé de faire au moins une fois un article clairement contre le train. Comme je le dis dans mon article sur la décarbonation du transport aérien, j’aime le train, en tant que suisse, difficile de ne pas l’apprécier, en Suisse c’est une tradition, même s’il m’a réellement pourri l’existence durant plus de dix pénibles années de ma vie, ayant à 40 mètres de la baie vitrée de ma chambre un pont de chemin de fer de la ligne Neuchâtel-Bienne. Ce qui est, il faut bien le dire, une situation extrême que, fort heureusement, peu de gens connaissent.

En réalité, on assiste au même phénomène que pour le nucléaire et les renouvelables où les qualités du premier sont très largement surestimées et ses inconvénients largement sous-estimés et c’est le contraire pour les secondes. Pour le train et l’avion c’est exactement pareil, les nuisances de l’avion sont très très largement exagérées et celles du train très largement sous-estimées. D’autant que l’écologie ne se limite pas aux émissions de carbone. Il y a aussi l’incidence sur la biodiversité, la qualité de vie, le potentiel d’évolution future.

C’est vrai, l’avion émet aujourd’hui beaucoup plus de carbone que le train, avec en plus d’autres conséquences sur l’effet de serre en raison des contrails, que l’IA va toutefois contribuer à diminuer drastiquement en étudiant de nouveaux parcours de vol. Et le train lui émet –provisoirement– beaucoup moins, c’est un fait. Mais on prête à l’avion le bruit des aéroports, alors qu’il n’est pas plus terrible que celui des gares de triage qui peut atteindre 110 et même 140 db. Seulement le train gâche également la vie tout au long de son parcours dans les campagnes. Et ça c’est sans compter l’artificialisation, les voies de chemin de fer à elles seules, sans les gares et gares de triage, occupent près de 90 000 ha sur le territoire en 2017, qu’elles fracturent, mettant une bande d’une vingtaine de mètres de large entre deux clôtures, gênant le déplacement de la faune et générant un vacarme assourdissant de part et d’autres sur des centaines de mètres de part et d’autre, transformant en enfer les paisibles campagnes. C’est que lorsque c’est un train de marchandises, il mesure des centaines de mètres, passe volontiers au ralenti alors que les wagons sont rarement au top, avec des roues qui font du bruit de roulement. Et si c’est un TGV, c’est carrément un boulet de canon qui passe avec une gifle d’air terrible qui fait trembler les vitres.

Gare de triage de Drancy, plus de 20 ans de lutte acharnée par les riverains qui ne supportent plus.

Gare de triage de Lausanne, l’enfer perpétuel, malgré les efforts des CFF.

Gare de triage de Kinkempois, de se rabattre sur le train augmente significativement les nuisances.

La liste est évidemment non exhaustive, c’est le cas pour toutes les gares de triage, aussi nombreuses et bruyantes que les aéroports. Mais comme on le voit dans la video plus-haut, il y a non seulement les expropriations, qui, ma foi, sont normales, mais font que les gens vivent dans l’expectative et l’incertitude. Ces témoins se sont installés en 1995, la LGV n’était alors encore qu’une intention, on savait qu’il s’en construirait une, mais on ne savait ni quand, ni où, la bataille faisait rage pour qu’elle ne soit dans le jardin de personne et c’est tombé sur eux. Que dire de cette jolie maison au milieu du paradis dont la propriétaire risque l’expropriation à tout moment ? Qui va lui redonner sa qualité de vie pour faire passer une ligne de train ? Et le château de Coulans-sur-Gée ? Qui a vu ses terres amputées de 11 % et ses nuisances sonores gâcher la vie et baisser la valeur du château d’un quart parce que la LGV passe à 450 mètres ?

Bien sûr il y a d’autres exemples, puisque ce qui caractérise le train c’est qu’il faut indemniser et exproprier des milliers d’habitants tout au long de chaque ligne. Mais ce n’est toujours pas sa seule nuisance, parce que l’entretien des voies nécessite de l’extraction minière pour le ballast. Des quantités ahurissantes d’extraction minière chaque année. Alors, bien sûr, la SNCF fait tout ce qu’elle peut pour recycler et réutiliser ses matériaux, ce qui signifie que ce qui est extrait c’est EN PLUS des besoins répondus par l’économie circulaire. Les besoins du train sont donc beaucoup plus colossaux que ce qu’on imagine. Alors qu’on parle de consommation de ressource pour l’avion qui en serait très gourmand, tandis que le train serait sobre. Ce n’est évidemment pas le cas. Le train a coûté 18,5 milliards en 2021 et ce n’est pas beaucoup moins les autres années et même plus, en 2022 c’est 20 milliards et en 2023 et 2024, avec l’absorption d’une partie de la dette de la SNCF par l’Etat (comprendre : mise à la charge de la dette souveraine) ce sera encore bien plus. C’est juste MONSTRUEUX.

Cette négation de la réalité du train est absolument monstrueuse, il n’y a pas d’autre mot. D’autant que ça se fait au détriment de l’avion qui comme je l’ai démontré n’est pas représentatif du transport aérien du futur et en plus va se décarboner et dans 30 ans tout se passera en l’air. Les investissements consentis dans le train en substitution de l’avion ne sont ni plus ni moins que de la perte. Le train a clairement un avenir, parce qu’il n’y a rien de mieux pour le fret longue distance et il peut évoluer grâce à la sustentation magnétique, mais il faut absolument cesser de déraisonner et remettre les pieds sur Terre en cessant de prêter des inconvénients à l’un et imaginant des avantages à l’autre.

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